[Série Covid-19] L’impact sur la vie des entreprises : Zoom n°3 sur le report des déficits…

Le premier zoom de cette série concernant la Covid-19 portait sur les aides et prêts consentis par l’Etat et octroyés entre entreprises afin de pallier les différentes difficultés rencontrées par celles-ci. 

A l’approche de cette fin d’année civile, souvent synonyme de clôture d’exercice, il nous paraissait évident d’évoquer la notion de résultat des entreprises. En effet, il peut être bénéficiaire (c’est-à-dire positif) ou déficitaire (négatif). En raison de la crise sanitaire liée à la Covid-19, de nombreuses entreprises verront afficher un résultat net comptable négatif.

Il est donc important d’aborder la notion de gestion d’un déficit.  

Que faire quand l’entreprise affiche un résultat négatif ? Nombre de solutions existent. Cependant, dans ce zoom, nous nous intéresserons uniquement à la technique du report du déficit. Le mécanisme utilisé par l’entreprise afin de pallier son déficit constitue une décision de gestion.

Dans la majorité des cas, les entreprises connaissent et pratiquent le report en avant c’est-à-dire un report du déficit sur les exercices ultérieurs. Mais connaissez-vous le report en arrière qui consiste à reporter le déficit sur l’exercice antérieur, un régime qui s’avère réellement avantageux et adapté à la crise sanitaire actuelle ? 

Dans une première partie, nous nous intéresserons au report en avant (I) et dans une seconde partie, nous nous attacherons à vous expliquer le report en arrière (II). 

Avant toute chose, il est nécessaire de rappeler que ces deux types de report ne concernent que les sociétés soumises à l’IS.

I. Le report en avant : régime de droit commun  

Le report en avant permet d’imputer le déficit de l’exercice de l’année N sur les bénéfices des exercices des années postérieures

A. Les conditions de droit commun

Quelles sont les conditions nécessaires pour reporter un déficit antérieur en avant?

  • Il faut que le déficit soit justifié par une comptabilité régulière et complète : il faut que les charges soient effectives et réalisées dans l’intérêt de l’entreprise et au cours de l’exercice. Ce déficit doit être justifié
  • De plus, le déficit est reportable uniquement au sein de la même entreprise

B. L’application du report en avant 

La gestion du déficit par un report en avant est la méthode la plus utilisée par les entreprises. Cela consiste à reporter le déficit obtenu à la fin d’un exercice comptable sur les années suivantes et ce, sans limite dans le temps. Ce report sera alors considéré comme une charge pour l’entreprise dans l’exercice suivant.

Il est reportable sur le bénéfice des exercices suivants dans la limite de 1 million par an majorée de 50% de la fraction de bénéfice dépassant le seuil de 1 million. Donc il est possible de reporter son bénéfice dans la limite de :

1 000 000 + 50% * (bénéfice – 1 000 000)

Lorsque le déficit est très important ou que la limite de déduction a été atteinte, il pourra être reporté sur l’exercice suivant et si besoin, sur les exercices futurs dans les mêmes conditions. Ceci représente un avantage considérable pour les entreprises puisqu’il est illimité dans le temps.  

ATTENTION : Pour pouvoir bénéficier du report en avant, l’entreprise ne doit pas avoir changé d’objet social, ni avoir modifié la nature de son activité au cours de l’exercice, auquel cas le déficit ne serait plus reportable puisqu’il serait perdu (article 221 alinéa 5 du Code Général des Impôts).

Pour que cela puisse s’appliquer, il est également nécessaire que la société reste à l’IS. 

Une autre option s’offre aux entreprises, celle du report en arrière.

II. Le report en arrière ou “carry-back” : régime optionnel 

Ce système est régi par l’article 220 quinquies du Code Général des Impôts. Comme son nom l’indique, il est question d’imputer son déficit réalisé en année N sur le bénéfice réalisé en année N-1. Ce mécanisme fait naître une créance sur le Trésor correspondant à l’excédent d’impôt versé antérieurement.

A. Les conditions et démarches encadrant le report en arrière

Pour pouvoir bénéficier de cette option que constitue le report en arrière d’un déficit, l’entreprise doit en faire la demande dans sa déclaration de résultats. Cette possibilité est à la ligne “déficit de l’exercice reporté en arrière” (tableau n° 2058 A concernant le régime réel d’imposition et n°2033 B pour le régime simplifié). 

Vous trouverez sur le lien suivant l’accès au formulaire pour cette demande : https://www.service-public.fr/professionnels-entreprises/vosdroits/F23628.

Cette option est à exercer au plus tard le 31 décembre 2020. 

Ce régime est entouré d’un certain nombre de conditions :

  • Tout d’abord, le déficit reportable l’est seulement sur le bénéfice de l’exercice précédent. Cela est avantageux pour les entreprises ayant exceptionnellement un résultat négatif (par exemple dû à la crise sanitaire de la Covid-19).
  • Ce report est cependant limité à un montant d’un million d’euros. Si le déficit dépasse ce montant, l’excédent pourra être imputable en avant. 
  • Enfin, pour bénéficier de ce régime, il est nécessaire que l’entreprise n’ait pas été cédée ou ait cessé son activité, n’ait pas fait l’objet d’une fusion, ni l’objet d’un jugement prononçant la liquidation judiciaire de la société.

B. Concernant la créance sur le Trésor

Grâce au carry-back, l’entreprise impute son déficit de l’année N dans la limite du seuil réglementaire sur l’exercice N-1 ce qui réduit son bénéfice et donc l’impôt dû au titre de N-1. L’impôt payé par l’entreprise en année N-1 devient donc supérieur à l’impôt dû. Ainsi, elle se voit accorder une créance sur le Trésor Public.

Cette créance va servir pour le paiement de l’IS dû au titre des exercices suivants. Si la créance n’est pas utilisée entièrement dans un délai de 5 ans par l’entreprise, le restant lui sera remboursé.

Sur le plan comptable, la créance représente un produit de l’exercice déficitaire. Elle est comprise dans ce résultat. Néanmoins, elle n’est pas imposable. En ce sens, elle devra donc être déduite extra-comptablement.

C. L’adaptation de ce régime lié à la crise sanitaire 

Par la loi de finances rectificative pour 2020[1], le Gouvernement autorise le remboursement anticipé des créances de report en arrière sur le Trésor Public.

Ainsi, les créances concernées sont :

–       Soit celles constatées au titre de l’exercice clos au plus tard le 31 décembre 2020,

–       Soit celles composant le stock de créances nées au titre d’une option pour le report en arrière des déficits déjà exercée au titre des exercices 2015, 2016, 2017, 2018 et 2019 (créances servant au paiement de l’IS pendant 5 ans non utilisées).

Cette demande est possible jusqu’à la date limite de dépôt de la déclaration de résultat de l’exercice clos le 31 décembre 2020 (soit au plus tard le 19 mai 2021) et ce, dès le lendemain de la clôture de l’exercice clos en 2020.

Maud HELLEC – Emma GARGONNE – Alexène VOGT – Anaïs POIROT


[1] loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020

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