Le vote électronique en matière d’élections professionnelles

L’ordonnance n°2017-1386 du 22 septembre 2017 a introduit la possibilité de recourir au vote électronique dans le cadre des élections professionnelles. Le Code du travail, en ses articles L2314-26 et R2314-5) prévoit ainsi que ce recours est conditionné par la conclusion d’un accord d’entreprise ou, à défaut, une décision unilatérale de l’employeur.

Il faut, à travers ces textes, observer la volonté du législateur de favoriser le recours au vote électronique, c’est en tout cas la vision qu’a eu la Chambre sociale de la Cour de cassation dans son arrêt très récent du 13 Janvier dernier.

Dans cette affaire, une société souhaite mettre en place un CSE en son sein. Le processus électoral est alors enclenché. L’employeur, par le biais d’une décision unilatérale, va permettre la possibilité de recourir au vote par voie électronique. La validité de cette décision va être contestée devant le juge par un syndicat, mais en vain. Le syndicat va alors directement se pourvoir en cassation afin de contester le jugement rendu par le tribunal.

Ce pourvoi est l’objet de la première question qui va se poser à la Cour. En effet la société conteste la recevabilité même du pourvoi. Elle considère que la décision unilatérale de l’employeur relève du régime de contestation des accords collectifs de droit commun. Ce qui implique donc que le tribunal statuait en premier ressort et qu’une contestation de la décision devait se faire par un appel.

Il n’en est rien, la Haute juridiction énonce que « le recours au vote électronique, qu’il soit prévu par accord collectif ou par décision unilatérale de l’employeur, constitue une modalité d’organisation des élections, et relève en conséquence du contentieux de la régularité des opérations électorales ».

Par conséquent « ce contentieux relève du tribunal judiciaire statuant en dernier ressort ».

La Chambre sociale juge donc le pourvoi du syndicat recevable.

Dès lors, le juge va devoir déterminer les contours des modalités ouvrant la possibilité de recourir au vote électronique. Plus précisément, l’intérêt de l’arrêt est de déterminer à partir de quel instant l’employeur peut user de sa faculté à mettre en place le vote électronique via un document unilatéral.

Le recours au vote électronique est subordonné soit à la conclusion d’un accord collectif, ou « à défaut, par une décision unilatérale de l’employeur ».

L’intérêt de l’arrêt est de déterminer d’abord à quel instant l’employeur peut user de sa faculté à mettre en place le vote électronique via un document unilatéral.

La Cour va interpréter littéralement l’article en estimant « qu’à défaut » d’accord, c’est-à-dire dans le cas où aucun accord n’a pu être conclu, alors l’employeur peut user de son pouvoir. Une hiérarchie doit donc être respectée : en priorité il faut essayer de conclure un accord collectif, dans le cas où cela n’est pas possible, l’employeur peut alors, dans un second temps, user de son pouvoir au travers une décision unilatérale.

Cette lecture faite par le juge n’est pas nouvelle (Cass. Soc . 13 juillet 2010, n° 10-60.148).

Cette question étant éclaircie, il reste encore à déterminer à quel moment l’employeur a rempli son devoir de « tentative de négociation ». En effet en l’espèce, l’entreprise n’a pas de délégués syndicaux. Le syndicat estimait que l’employeur n’avait pas complètement rempli son devoir de négociation et donc qu’il ne pouvait pas (encore) prendre de décision unilatérale. L’employeur aurait dû, selon le demandeur, négocier avec des salariés mandatés ou des élus (conformément à la procédure des articles L2232-24 du Code du travail).

La Haute juridiction va rejeter cet argumentaire en estimant qu’en cas d’absence de délégués syndicaux au sein d’une entreprise il n’est pas nécessaire de devoir négocier avec des salariés mandatés ou des élus. L’employeur peut directement user de son pouvoir par le biais d’une décision unilatérale.

On peut comprendre l’argumentaire du syndicat demandeur, un système hiérarchique est présent au sein de l’article L2314-26 du CT mais la première option paraît « trop vite » effacée. Des modalités dérogatoires de négociation existent mais elles ne doivent pas être appliquées ? Tout cela semble s’expliquer par la volonté du juge de se conformer au souhait du législateur et de favoriser le recours au vote électronique. Et ce, en évitant d’imposer plus d’étapes à la mise en place de ce vote, au grand dam de la négociation collective au sein des entreprises.

Haroun CHTATAR

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