L’avocat en entreprise et le legal privilege

L’avocat en entreprise, associé au legal privilege, est un sujet débattu depuis plus de 20 ans. En 2019, Raphaël Gauvain avait tenté d’utiliser cette notion pour protéger les entreprises françaises. Puis, en 2020, le projet Perben avait aussi évoqué cette réforme.

En novembre 2020, Éric Dupond-Moretti, Ministre de la Justice, a évoqué une réforme structurelle, un avant-projet de loi, quant à cette profession. En effet, il résulte de l’article 1 de l’avant-projet de loi que le Garde des Sceaux prévoit d’expérimenter pendant cinq ans, dans certains barreaux désignés par Monsieur le Ministre, la profession d’avocat salarié d’une entreprise.

Cet avant-projet de loi émet une volonté d’intégrer au plus tôt les garanties liées à l’expérimentation ainsi que les dispositions du secret professionnel. Ces deux notions de legal privilege et d’avocat en entreprise semble indissociables du secret professionnel de l’avocat. Il faut regarder ces deux notions de façon liée. 

Afin d’expliquer plus en détail ce projet, Monsieur le Ministre a précisé qu’ “Il ne s’agit pas d’imposer de façon caporaliste, mais d’expérimenter. La profession est suffisamment dans la difficulté pour qu’elle y puise le sang de nouveaux possibles.(…). Nous souhaitons conduire cette expérience. Lorsque j’étais avocat, j’ai vécu des périodes difficiles, notamment lors de l’intégration des conseils juridiques dans la profession, ce qui marquait la fin du barreau traditionnel. Or les choses se sont finalement bien passées.”.

Durant l’expérimentation, l’avocat pourra exercer son activité en qualité de salarié d’une entreprise pour ses besoins exclusifs. Toutefois, l’avocat en entreprise ne pourra pas en parallèle de cette fonction exercer sa profession sous une autre forme et ne pourra pas se voir confier des missions par la justice. De plus, l’avocat en entreprise ne pourra pas plaider pour son entreprise quand la représentation est obligatoire. Ce principe est prévu dans le pré-projet à l’article 2. 

L’avocat en entreprise bénéficie tout de même toujours de l’indépendance que comporte sa prestation de serment. En effet, son contrat de travail ne devra pas porter atteinte à sa faculté d’être déchargé d’une mission qu’il estime contraire à sa conscience ou son indépendance. L’avocat en entreprise ne pourra pas aller à l’encontre des caractéristiques de la profession d’avocat. 

Concernant le secret professionnel, la notion étant liée à celle de l’avocat en entreprise, ce dernier est astreint au secret sans qu’il ne puisse être opposé à l’entreprise qui l’emploie. De plus, la question se pose concernant la protection du secret de l’avocat. D’après le pré-projet, les avis et analyses juridiques rédigés par un avocat salarié et portant la mention « avis juridique confidentiel » seront cours par la confidentialité. Cela signifie que ces avis et analyses ne seront pas communicables à l’extérieur. Il s’agit de l’article 3 du pré-projet qui vient traiter du principe de la confidentialité des avis et des analyses juridiques. 

La chancellerie, dans ce pré-projet, travaille sur l’introduction d’un principe plus général qui est celui du legal privilege, ce dernier concernerait l’ensemble des avocats. 

Le pré-projet, traitant du sujet l’avocat en entreprise vient faire quelques précisions concernant les litiges qui pourraient se présenter. Tout d’abord, un litige relatif au contrat de travail devra être réglé devant le Conseil de Prud’hommes. En revanche, toutes observations concernant les obligations déontologiques de l’avocat seront présentées par le bâtonnier. 

Une précision est faite concernant les perquisitions. En effet, en cas de perquisition dans les locaux de l’entreprise salariant l’avocat, et en cas de saisie d’un document susceptible de contenir des avis ou analyses juridiques, l’avocat salarié devra être appelé sur les lieux de la perquisition. Le représentant légal peut s’opposer à ces saisies et ce sera le juge des libertés et de la détention qui devra statuer dans les cinq jours sur la possibilité de verser les pièces au dossier de procédure. 

Enfin, un point important de ce pré-projet est qu’il serait possible pour les juristes en entreprise qui exercent leur profession depuis 5 ans de pouvoir devenir avocat salarié sous réserve d’un examen déontologique. 

Néanmoins, ce sujet divise les avocats depuis de longues années. Certains considèrent que cette réforme crée une troisième profession qui se situe entre la profession d’avocat et de juriste, ce qui n’est pas une bonne chose pour certains. D’autres affirment que cela nuirait au principe même d’indépendance de la profession d’avocat, l’avocat étant alors salarié dans une entreprise.

A l’inverse, d’autres avocats considèrent que cela ne peut qu’être bon, notamment concernant le legal privilege : la principale faiblesse des entreprises françaises réside dans l’absence de protection de confidentialité des avis juridiques des juristes en entreprise. Cela permettrait ainsi de conférer une certaine confidentialité.

Par ailleurs, les juristes d’entreprise ont accueilli positivement ce projet : “Le ministre peut compter sur l’AFJE afin de contribuer avec toutes les parties prenantes à la définition et à la mise en œuvre d’une solution consensuelle, construite avec la famille des avocats et des juristes d’entreprise, dans le respect des spécificités et complémentarités de nos modes d’exercices professionnels respectifs” ; “Nous restons plus que jamais ouverts à un travail collectif qui permettra de définir des règles de nature à renforcer l’Etat de droit” déclare l’Association Française des Juristes d’Entreprise (AFJE).

Enfin, le Cercle Montesquieu  considère que l’avocat en entreprise constitue  “une opportunité pour le marché du droit français” et un “enjeu de souveraineté des entreprises”.

Marie DUCROTTÉ – Justine MUNSCH

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