Licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement : les obligations de l’employeur

Un salarié inapte peut être licencié en cas d’impossibilité de reclassement ou d’inaptitude à tous postes. Ce licenciement est précédé d’une procédure spécifique faisant peser des obligations sur l’employeur. Le respect de la procédure est primordial, car en cas de non-respect, le licenciement prononcé par l’employeur est soit nul soit sans cause réelle et sérieuse. Les trois arrêts rendus par la Cour de cassation le 30 septembre 2020 relatifs à l’obligation de consultation du CSE (Comité Social et Économique) sont une opportunité idéale pour rappeler ces obligations.

I : L’obligation de reclassement

Cette inaptitude physique revêt plusieurs formes. Elle peut être partielle, c’est l’hypothèse où le salarié ne peut plus travailler à son poste, mais il peut toutefois être reclassé sur un autre poste de travail au sein de la même entreprise (ou des entreprises du même groupe le cas échéant). Elle peut également être totale, ainsi, l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l’emploi.

Lorsque le salarié ne peut plus occuper son poste de travail à cause de son état de santé on dit qu’il est inapte physique à son poste. C’est le médecin du travail, et lui seul, qui, après examen du salarié (visites médicales), va rédiger un avis afin de déterminer son état de santé et son aptitude à reprendre ou non le travail.

Dans la première hypothèse, l’employeur ne peut rompre le contrat de travail que s’il a rempli son obligation de reclassement du salarié. Cette obligation, issue de l’article L1226-10 du Code du travail, contraint l’employeur à chercher et proposer un autre emploi au salarié, en accord avec l’avis et les conclusions du médecin du travail.

En cas de refus du salarié, ou d’absence de poste en adéquation avec la situation du salarié, l’employeur peut rompre le contrat de travail. Il doit toutefois, lorsque le reclassement est impossible, faire connaître au salarié, par écrit, les motifs qui amènent à cette impossibilité de reclassement.

Attention : l’obligation de reclassement n’est pas une simple formalité. En effet, l’employeur doit pouvoir prouver clairement qu’il a rempli son obligation et que le reclassement était impossible. Il doit notamment se livrer à une réelle recherche de poste et de possibilité d’adaptation d’emploi (Cass. Soc. 28 octobre 2009, n° 08-44.253).

Dans la seconde hypothèse, lorsque l’avis du médecin précise expressément « que tout maintien du salarié dans l’emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l’emploi, l’employeur est en droit de procéder à la rupture du contrat » (article L1226-12 Code du travail)

Néanmoins, une autre obligation pèse sur l’employeur, il s’agit de la consultation du comité économique et social (CSE).

II : La consultation du CSE

Cette obligation résulte également de l’article L1226-10 du Code du travail. Elle doit intervenir avant toute proposition d’emploi au salarié. Cette obligation est l’objet de trois arrêts rendus par la chambre sociale le 30 septembre 2020.

C’est d’abord dans un arrêt estampillé PBI que la Cour va répondre à une question nouvelle.
La question qui se pose est de déterminer le régime applicable lorsque l’employeur manque à son obligation de consultation des délégués du personnel, dans le cas d’une inaptitude non professionnelle.

La cour de cassation va énoncer que « la méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte consécutivement à un accident non professionnel ou une maladie, dont celle imposant à l’employeur de consulter les délégués du personnel, prive le licenciement de cause réelle et sérieuse » (Cass. Soc. 30 Sept 2020, n°19-11.974).

Cette réponse donnée par la Cour de cassation vient combler le vide laissé par le Code du travail. En effet, c’est l’article L. 1226-15 de ce code qui sanctionne de tels manquement, toutefois, il ne se prononce que pour l’inaptitude d’origine professionnelle. Dans une telle hypothèse, le licenciement est nul.

En ce qui concerne l’inaptitude non professionnelle, le principe est désormais fixé, il s’agira d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Cet arrêt de la Cour de cassation est accompagné par deux arrêts du même jour venant confirmer des précédentes prises de positions.

La Cour rappelle d’abord que l’obligation de consultation doit être remplie même si aucun poste n’est en adéquation avec la situation du salarié (Cass. Soc. 30 Sept 2020, nº 19-16.488). Il s’agissait en l’espèce d’une recherche de poste qui n’a pas abouti dans le cadre d’une inaptitude professionnelle. On peut évidemment élargir ce principe aux inaptitudes non professionnelles compte tenu du fait que les procédures sont désormais identiques.

Malgré cet élargissement qui peut paraître strict, dans un deuxième arrêt du même jour, la Cour de cassation va confirmer sa jurisprudence quant à la forme que doit revêtir cette obligation de consultation. En effet, elle estime que cette consultation ne répond à aucune forme particulière. Dès lors que tous les élus ont émis un avis, l’obligation est remplie (Cass. Soc. 30 sept 2020, n°19-13.122).

Ces trois arrêts ne répondent toujours pas à l’hypothèse où l’avis d’inaptitude rendu par le médecin du travail précise expressément que tout maintien du salarié dans l’emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l’emploi. L’employeur sera-t-il tout de même contraint de consulter le CSE ?

Compte tenu de ce vide juridique et dans l’attente d’une réponse du juge, il convient de prendre des précautions et de consulter le CSE en cas d’avis d’inaptitude dispensant l’employeur de recherche de reclassement.

Haroun CHTATAR

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