La clause attributive de juridiction (aussi appelée clause attributive de compétence)

“Ennemi juré de l’arbitraire, la forme est la sœur jumelle de la liberté.”

Rudolf von Jhering (juriste allemand du 19ème siècle)

Cette citation peut aisément être appliquée au domaine des contrats d’affaires, notamment avec la faculté des parties d’insérer, au sein du contrat, les clauses qu’elles souhaitent. 

Les règles de procédure sont indispensables (certaines sont d’ailleurs d’ordre public). Par leur biais, le législateur rationalise la procédure avec des contraintes. L’idée n’est pas celle de supprimer le formalisme qui est un principe protecteur des droits des justiciables et leur offrant des garanties (comme celle de l’égalité entre les citoyens). Il est plus question de l’assouplir. De ce fait, des principes comme celui de liberté contractuelle naissent afin de pouvoir déroger aux règles de droit commun. Le législateur laisse alors une grande liberté aux parties pour mener leur procès (outil de réalisation des intérêts privés). L’importance des contrats est alors évidente : ils régissent une grande partie des intérêts privés. A leur convenance et dans leurs intérêts, les parties peuvent donc insérer des clauses dans le contrat.

En principe, au sein des contrats (d’affaires dans cette veille), la juridiction compétente est déterminée par des règles de compétence fixées par la loi. Cependant, les parties liées au contrat peuvent insérer une clause attributive de juridiction et donc déroger au droit commun.

Ainsi, au sein de cette veille juridique, nous étudierons la clause attributive de compétence également nommée clause attributive de juridiction.

I) Définitions et intérêts des clauses attributives de compétence géographique et matérielle

Lorsqu’une personne souhaite agir en justice, la juridiction compétente doit être saisie. Selon le Code de procédure civile, la détermination du tribunal compétent dépend de deux critères : matériel et territorial. Le critère matériel fait référence à la nature et au montant du litige, tandis que la compétence territoriale rattache le litige à la juridiction du lieu où demeure le défendeur (article 42 du Code de Procédure Civile, CPC).

La clause attributive de compétence est une clause régulièrement présente dans les contrats d’affaires car elle a pour objectif de déterminer la juridiction compétente afin de régler le litige. Cette clause prend en compte deux compétences : matérielle et territoriale. 

  • Compétence matérielle

Le droit positif impose au commerçant de poursuivre le non-commerçant devant une juridiction civile par application de la jurisprudence (chambre commerciale du 10 juin 1997, n°94-12-316). Dans le cas contraire, la clause est considérée comme étant nulle. Concernant les litiges entre commerçants, le Tribunal de commerce est compétent.

  • Compétence territoriale 

La compétence de la juridiction est régie par l’article 42 du CPC : “La juridiction territorialement compétente est, sauf disposition contraire, celle du lieu où demeure le défendeur. S’il y a plusieurs défendeurs, le demandeur saisit, à son choix, la juridiction du lieu où demeure l’un d’eux. Si le défendeur n’a ni domicile ni résidence connus, le demandeur peut saisir la juridiction du lieu où il demeure ou celle de son choix s’il demeure à l’étranger.”

Néanmoins cet article prévoit des exceptions comme prévu par l’article 48 du CPC : “à moins qu’elle n’ait été convenue entre des personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant et qu’elle n’ait été spécifiée de façon très apparente dans l’engagement de la partie à qui elle est opposée.”

Pour pouvoir insérer une telle clause dans un contrat, et qu’elle soit valide, la clause attributive de juridiction doit répondre à certaines conditions. 

II) Caractéristiques d’application (conditions à la validité de la clause)

La clause attributive de juridiction présente, pour les parties, l’intérêt d’éviter un long débat judiciaire sur la détermination de la juridiction compétente en cas de litige. Mais, c’est à la condition que la clause réponde aux conditions de validité très strictes définies par les textes, et la jurisprudence.

  • Concernant l’acceptation par la partie à laquelle on l’oppose

En principe, cette contrainte ne pose aucune difficulté. En effet, la clause est, dans la majorité des cas, insérée dans le contrat qui a été signé par les parties. La signature représente alors la preuve que les parties étaient toutes en accord avec cette clause. 

Un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation en date du 17 février 2010 (n°08-12-749) a jugé valable, la clause attributive de juridiction insérée dans une facture. En l’espèce, la clause doit être considérée comme acceptée en raison de l’existence de relations d’affaires anciennes. C’est l’article L.441-9 du Code de commerce qui précise les mentions obligatoires des factures. La signature n’en fait pas partie. Ainsi, en principe, la clause de compétence dans une simple facture n’est pas valable. La décision précitée est donc une décision isolée.

Dans un arrêt du 27 avril 2020 rendu par le Tribunal de commerce de Paris, une clause attributive de juridiction n’a pas été jugée valable aux motifs qu’elle était rédigée en petits caractères dans la même très petite taille de police que l’ensemble du texte des conditions générales, et ne se différenciait pas des autres paragraphes. En particulier, une autre clause des conditions générales était en gras alors que la clause attributive de juridiction ne l’était pas. Concrètement, les juges regardent l’emplacement de la clause, la taille et la lisibilité des caractères. Ainsi, si la clause n’est pas écrite avec une police lisible et ne se démarque pas du reste du contrat, elle ne sera pas valable (réputée non écrite et ainsi ne portera aucun effet).

  • Concernant l’autonomie de la clause

La clause est autonome par rapport au contrat principal : c’est-à-dire que si le contrat est résilié, annulé ou résolu, la clause reçoit application. L’article 1230 du Code Civil dispose que “la résolution n’affecte pas les clauses relatives au règlement des difficultés.” L’article vise seulement la résolution mais la doctrine considère que la nullité et la résiliation entraînent le même effet.

III) Limites

Malgré la validité des conditions précitées, une clause attributive de compétence est inefficace, si elle déroge à une juridiction spécifique. Précisément, certains textes spéciaux interdisent les clauses attributives de compétences, comme le mentionne l’article L.1221-5 du Code du Travail : “toute clause attributive de juridiction incluse dans un contrat de travail est nulle et de nul effet”. Cette interdiction s’applique également dans le cadre des procédures collectives.

  • Qu’advient-il de la clause en fonction des qualités des parties au contrat ?

La clause attributive de compétence géographique est réputée non écrite en application de l’article 48 du Code procédure civile dès lors qu’elle n’a pas été conclue entre commerçants. De ce fait, la qualité de commerçant est requise au jour de la conclusion du contrat et celle-ci doit être exercée dans le cadre de l’activité commerciale. La qualité de commerçant est définie à l’article L.121-1 du Code de commerce qui dispose que “Sont commerçants ceux qui exercent des actes de commerce et en font leur profession habituelle”.

Quant à la clause attributive de compétence matérielle, la loi n’apporte pas de solution. En effet, il n’y a pas d’équivalent à l’article 48 du CPC. Néanmoins, la jurisprudence estime qu’un commerçant ne peut pas opposer une clause attributive de compétence au Tribunal de commerce à un consommateur (chambre commerciale de la Cour de cassation du 10 juin 1997, 94-12-316).

Maud HELLEC – Anaïs POIROT 

Emma GARGONNE – Alexène VOGT

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