Quick perd sa marque GIANT pour défaut de distinctivité (Cour de Cassation, Chambre commerciale, 27 janvier 2021)

La Cour de Cassation a rendu un arrêt le 27 janvier 2021 relatif à la société Quick concernant une affaire de marque déposée et du nom « Giant ».

Il semble important dans un premier temps de se focaliser sur certaines définitions qui aideront à comprendre plus facilement l’arrêt de la Cour de cassation. 

Tout d’abord, rappelons que les droits de la propriété intellectuelle sont les droits conférés à l’individu par une création intellectuelle. Ils donnent généralement au créateur un droit exclusif sur l’utilisation de sa création pendant une certaine période. Cela pose en général problème en cas de propriété de marque car des recours en justice peuvent être menés. En effet, une société peut effectuer une action en justice si elle estime que le nom ou la marque qu’elle possède est repris par quelqu’un d’autre. 

Concentrons-nous plus précisément sur le droit des marques qui est en l’espèce le problème soulevé. Le droit des marques confère aux acteurs économiques et sociaux un monopole d’exploitation sur les produits et les services protégés par une marque déposée. 

Reprenons tout d’abord la définition de marque. Au sens juridique, c’est un signe qui permet à une entreprise de distinguer ses produits ou ses services de ceux qui pourraient être proposés par la concurrence. Les marques peuvent être présentées sous différentes formes : des lettres, des chiffres ou encore des éléments figuratifs. 

Les marques peuvent en d’autres termes servir de repère pour les consommateurs et cela permet d’être un signe distinctif pour telle ou telle société. Le caractère distinctif du signe est l’une des conditions de validité de l’enregistrement d’une marque, en effet c’est la fonction essentielle de celle-ci. L’article L.711-2 du Code de la propriété intellectuelle prévoit que le caractère distinctif d’une marque s’apprécie au regard des produits et services désignés et qui dans le langage courant ou professionnel sert à désigner exclusivement les produits ou services ou encore la dénomination servant à désigner une caractéristique ou qualité du produit ou service. 

La question que l’on peut se poser est de savoir quelle est l’utilité de déposer une marque. C’est une méthode qui permet de protéger la marque contre les risques de plagiat ou de contrefaçon. 

La contrefaçon est un délit qui porte atteinte de manière illégitime et trompeuse aux droits de la propriété intellectuelle que nous avons défini ci-dessus. Ce délit est établi à partir du moment où une personne va utiliser, reproduire ou imiter un produit ou ses caractéristiques sans en avoir le droit. La contrefaçon est définie à l’article L.335-2 du Code de la propriété intellectuelle comme suit « Toute édition d’écrits, de composition musicale, de dessin, de peinture ou de toute autre production, imprimée ou gravée en entier ou en partie, au mépris des lois et règlements relatifs à la propriété des auteurs, est une contrefaçon et toute contrefaçon est un délit ».  C’est une tromperie qui peut être caractérisée dès lors qu’il y a la volonté de faire passer le produit imité pour le produit original. 

A côté de la contrefaçon, un autre phénomène mérite quelques explications : il s’agit de la concurrence déloyale. C’est une pratique commerciale abusive qu’exerce une entreprise à l’égard d’une autre entreprise. On peut définir cette pratique comme « un ensemble de techniques ou pratiques commerciales abusives utilisées par une entreprise et qui nuisent à la concurrence ». Pour que la concurrence déloyale soit définie comme telle une faute, un préjudice et un lien de causalité doivent être démontrés. Parmi les pratiques commerciales abusives les plus répandues, on peut trouver l’imitation qui est le fait d’utiliser les mêmes signes distinctifs qu’une entreprise concurrente ou encore le parasitisme qui est une technique qui consiste à profiter des efforts d’un concurrent sans participer à cet effort. 

Nous allons suite à ces différentes définitions analyser l’arrêt rendu par la Cour de Cassation. 

La société Quick, célèbre chaîne de restaurant, a déposé auprès de l’INPI la marque « Giant » en 2006, date à partir de laquelle elle est devenue propriétaire de cette dernière. Cette marque identifie des produits dits de fast-food, plus précisément des hamburgers. En 2011, la société Sodebo, marque d’agroalimentaire, a déposé la marque Pizza Giant Sodebo identifiant des pizzas vendues en grandes surfaces. 

La société Quick a saisi le tribunal pour demander l’annulation de la marque déposée par la société Sodebo et a assigné la société agroalimentaire en contrefaçon, en concurrence déloyale et a effectué une action en parasitisme.

Un appel a été rendu sur renvoi après cassation ; ce dernier a déclaré irrecevables les demandes de la société Quick. Par ailleurs, cette dernière a jugé nulle la marque « Giant » car elle était dépourvue de caractère distinctif intrinsèque au jour de la date de son dépôt. La Cour a de même jugé que la marque, qui signifie « géant » en anglais, désigne une caractéristique du produit, rendant l’usage de la marque dépourvu de caractère distinctif. 

La société Quick a formé un pourvoi en cassation.

La Cour de Cassation approuve le développement de la Cour d’Appel. En effet, dans le domaine d’action de la société Quick, les quantités importantes sont souvent mises en avant dans la dénomination du produit ; de même, dans le secteur du fast-food, les mots choisis et utilisés sont le plus souvent en langue anglaise.

Par ailleurs, la Cour énonce que l’usage de cette marque étant dépourvu de caractère distinctif, cela ne rend pas nécessairement ce signe apte à identifier les produits visés comme provenant du titulaire de la marque : en effet, la société Quick ne rapportait pas la preuve qu’à la date de dépôt de la marque par la société Sodebo, en 2011, elle avait acquis un caractère distinctif.

De plus, la Cour rejette tout motif de concurrence déloyale car malgré l’usage de la marque et la publicité afférente à cette dernière, la société n’a pas établi que cela lui a permis d’avoir une notoriété ni qu’il existait un risque de confusion entre les produits commercialisés entre les deux sociétés : à savoir un hamburger d’un côté vendu en restaurant, et d’un autre côté une pizza vendue en grande surface. 

Néanmoins, la Cour de Cassation casse et annule l’arrêt concernant les agissements parasitaires : en effet, cette dernière énonce qu’en vertu de l’article 1240 du Code civil, le succès de l’action en responsabilité pour agissements parasitaires, qui est ouverte à celui qui ne peut se prévaloir de droits privatifs, n’est pas subordonné à l’existence d’un risque de confusion. Or en l’espèce, la Cour d’Appel a rejeté ce fondement légal car il n’était pas démontré de risque de confusion, ce que casse la Cour en l’espèce.

Justine MUNSCH – Marie DUCROTTÉ

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