L’importance de la mention manuscrite dans le cautionnement

“Précaution est mère de Sûreté.”

                                                                       Pigault Lebrun, La folie espagnole (1799)

Cette citation résume tout à fait le droit des sûretés : c’est en étant vigilant et en agissant avec prudence que de nombreux dangers et conflits peuvent être évités.

Selon la définition proposée par le professeur Pierre CROCK, la véritable sûreté est l’affectation à la satisfaction du créancier d’un bien ou d’un ensemble de biens ou d’un patrimoine, par l’adjonction au droit résultant du contrat de base d’un droit d’agir accessoire à son droit de créance. 

Il existe plusieurs types de sûretés : personnelles et réelles. Elles peuvent être légales, conventionnelles ou judiciaires.

Les sûretés réelles impliquent une affectation spéciale ou générale d’un bien ou d’un ensemble de biens à la garantie d’une créance. Une sureté personnelle fait naître le plus souvent par l’intermédiaire d’un contrat, un droit de créance supplémentaire au profit du créancier sur le patrimoine d’un tiers en garantie d’un contrat principal ou d’un contrat de base. 

Il existe de nombreux types de sûretés réelles et personnelles. Concernant les sûretés personnelles, c’est le cautionnement qui représente la forme la plus courante. De nombreuses caractéristiques et conditions lui sont attribuées. En ce sens, un contentieux nourri est relatif au cautionnement.

Ainsi, au sein de cette veille, nous étudierons un arrêt récent illustrant le principe de la mention manuscrite (I) et les limites à celui-ci (II).

I. Le cautionnement et le principe de la mention

A. Rappel du principe de cautionnement

Le cautionnement est une figure du droit des sûretés, très utilisé dans la pratique. On le retrouve aussi bien dans un contrat de location que dans un prêt bancaire ou encore  un crédit à la consommation, etc. Il est défini à l’article 2288 du Code civil qui dispose que : “Celui qui se rend caution d’une obligation, se soumet envers le créancier à satisfaire à cette obligation, si le débiteur n’y satisfait pas lui-même.”Ainsi, la caution s’oblige à payer la dette d’autrui (celle du débiteur), si celui-ci ne peut plus ou pas exécuter son obligation.

Le cautionnement est unilatéral (seule la caution s’oblige) et accessoire (“L’accessoire suit le principal”). Pour que le cautionnement s’applique, il existe différentes conditions à respecter :

  • de fonds (consentement, objet, cause et capacité),
  • de forme, variant selon qu’il s’agisse d’un cautionnement d’un crédit à la consommation, d’un bail d’habitation, d’une forme électronique, etc. Le cautionnement est de ce fait régi par différents codes : civil, de la consommation, de commerce, monétaire et financier, … ce qui complexifie son application.

Il existe des conditions de validité d’un cautionnement, dont la mention imposée par l’article L.331-1 du Code de la consommation fait partie. Ce dernier dispose que : “Toute personne physique qui s’engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel fait précéder sa signature de la mention manuscrite suivante et uniquement de celle-ci :

 » En me portant caution de X……………….., dans la limite de la somme de……………….. couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de……………….., je m’engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X……………….. n’y satisfait pas lui-même. « ”

Cet article détermine les conditions et le formalisme que doit comporter la mention manuscrite qui joue sur  la validité du cautionnement.

Cette mention manuscrite est d’une importance fondamentale. Cependant, sa complexité  est source de très nombreux litiges. 

B. La position de la Cour de cassation sur la mention dans le cautionnement

Il est question dans un arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation, en date du 12 Novembre 2020, n°19-15.893[1], qu’une mention manuscrite non conforme à la loi conduit à l’annulation du cautionnement

En l’espèce, la banque a consenti un prêt à une société automobile en garantie duquel un couple s’est porté garant solidaire. Cette créance a été cédée par la banque à une société. Ce couple a opposé la nullité de l’engagement de caution litigieux, faute du non-respect de l’article L.341-2 du Code de la consommation[2]. La société a donc formé un pourvoi à la suite de l’arrêt rendu  par la cour d’appel de Bordeaux.

La société fait donc grief à l’arrêt d’annuler le cautionnement solidaire. Ces arguments résident en deux points : 

  • L’identité de la société débitrice figurait sur la première page de l’acte de cautionnement,
  • Dans la version antérieure de l’ordonnance du 14 mars 2016, l’article L. 341-2 ne nécessitait pas le nom du débiteur principal dans la mention.

La Cour de cassation a confirmé l’arrêt rendu par la cour d’appel de Bordeaux et rejeté le pourvoi sur le motif suivant : mentionner dans l’acte de cautionnement “le débiteur cautionné” au lieu de son identité exacte conduit à une nullité de l’acte.

Cet arrêt confirme la position déjà adoptée par la chambre commerciale de la Cour de cassation dans un arrêt du 24 mai 2018, pourvoi n°16-24400[3]. La position étant celle-ci : “La lettre X de la formule légale prévue par l’article L. 341-2 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 14 mars 2016, doit être remplacée, dans la mention manuscrite apposée par la caution, par le nom ou la dénomination sociale du débiteur garanti.”

Nonobstant, dans un arrêt rendu le 21 novembre 2018 n° 16-25.128[4], la chambre commerciale de la Cour de cassation a rejeté la demande de nullité d’un acte de cautionnement intervenue dans un cas d’espèce similaire. La lettre X avait été remplacée par “le bénéficiaire du crédit” et la Cour a justifié cette position par plusieurs faits :

– l’identification du bénéficiaire était présente sur la première page de l’acte, 

– chaque page était numérotée et datée

– il était question d’un gérant d’une société qui “ne pouvait pas ignorer la teneur de la convention de compte courant qu’elle avait signée une année plus tôt au nom et pour le compte de la société”

Au regard de ces différents arrêts, la Cour n’a pas de position fixe. La validité de la mention manuscrite s’apprécie au cas par cas, source alors d’insécurité juridique. Si la mention manuscrite est mal rédigée par la caution, le cautionnement pourrait s’avérer nul. L’organisme de prêt a donc tout intérêt à vérifier que la caution l’a bien recopiée. 

II. Des limites

A. Elément lié à la mention manuscrite : la signature

Deux points sont à relever :

  • La mention représente un élément important à la validité du cautionnement. Pour un détail manuscrit, le cautionnement pourrait être annulé malgré la conscience de la caution de son engagement.
  • La mention n’est pas le seul élément pouvant interférer à la validité du cautionnement. 

Ainsi, il est utile de se demander à quelle place au sein de l’acte la caution doit apposer sa signature ?

Théoriquement, aucun débat n’est possible : « La signature doit suivre la mention manuscrite » selon un arrêt du 1er avril 2014 rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation, n°13-15735 (confirmé par un arrêt du 26 juin 2019, n°18-14633). Sur cette question, la Haute juridiction va adopter une position rigoureuse en considérant que le cautionnement sur lequel la signature précède la mention manuscrite est nulle (commerciale, 17 septembre 2013, n°12.13577). Cette position bien établie s’explique par le fait qu’admettre que la signature puisse précéder la mention, serait admettre qu’on puisse compléter l’acte a posteriori. Cependant, des exceptions ont été introduites.

Ainsi, la Cour de cassation a pu estimer qu’un cautionnement était valable en dépit de l’apposition de la signature de la caution avant la mention manuscrite, dès lors que ladite mention était immédiatement suivie du paraphe de la caution (civile 1ère, 22 septembre 2016, n°15-19543). 

Elle a également admis que l’engagement de la caution était valable lorsque la signature se trouve sur le côté de la mention (et non après), dès lors qu’il n’y avait matériellement pas la place d’apposer la signature après la mention (commerciale, 28 juin 2016, n°13-27245).

La Cour de cassation introduit une certaine casuistique dans l’analyse de la validité du cautionnement, générant une certaine insécurité juridique.

B. Une simplification prévue par l’avant-projet Chancellerie ?

La Commission de la Chancellerie a proposé en décembre 2020 un avant-projet d’ordonnance portant réforme du droit des sûretés. L’objectif principal de cet avant-projet est de simplifier, en regroupant, toutes les dispositions relatives au cautionnement au sein du Code civil, ainsi que de moderniser le droit des sûretés actuel.  

Le nouvel article 2297 de l’avant-projet de 2020 suit une logique de simplification et d’unification quant aux règles relatives à la mention manuscrite devant être apposée par la caution personne physique. La proposition d’article 2298 de l’avant-projet de l’Association Henri Capitant de 2017 suivait déjà̀ cette logique.                              

Le premier alinéa de l’article 2297 de la Chancellerie apporte quelques modifications au droit positif en gardant le même fond : pour la validité́ du cautionnement, une mention manuscrite est imposée, devant indiquer le montant en chiffres et en lettres pour lequel la caution s’engage.

Cependant sur la forme, on observe quelques changements :                                             

  • Il ne sera plus nécessaire pour la caution de recopier une mention strictement prédéterminée. Cette mention était créatrice de beaucoup de contentieux. En effet, le Code de la consommation imposait une mention manuscrite et c’est uniquement celle-ci qui devait être recopiée dans le but de faire prendre conscience à la caution la portée et l’étendue du risque qu’elle prenait. Cependant, dès lors que la mention était mal recopiée ou incomplète, la question de sa validité et celle du cautionnement tout entier pouvait se poser.

Désormais, les avant-projets envisagent que la caution est libre d’inscrire la mention qu’elle souhaite. Ainsi il appartiendra au juge d’apprécier le caractère suffisant de la mention.

  • De plus, le champ d’application de cet article est élargi. Désormais, cette mention s’imposera pour tous les cautionnements souscrits par une personne physique, alors que le droit positif ajoute une condition : la nécessité d’un créancier professionnel.

Concernant l’unification en tant que telle, cet article s’aligne avec le droit commun des contrats (article 1376 du Code civil) et les textes relatifs au chèque (article L. 131-10 du Code monétaire et financier) : il fait prévaloir le montant écrit en toutes lettres en cas de discordance avec le montant en numéraire. Encore une fois le risque de contentieux en cas de différences entre les montants est limité.

Au sein du deuxième alinéa, il est proposé́ de préciser que, conformément à ce qui est codifié dans le code civil en vigueur, le défaut de mention relative au caractère solidaire de la caution ne rend pas nul le cautionnement. Il sera juste considéré comme simple.    

Il faut noter que l’existence de cette mention ne fait pas obstacle à la dématérialisation du cautionnement. En effet, l’article 1174 du Code civil permet que les mentions soient apposées sous forme électronique. Cette disposition s’accompagne de l’abrogation de toutes les autres dispositions relatives à l’exigence d’une mention manuscrite (articles L. 314-15, L. 314-16, L. 331-1 à L. 331-3 et L. 343-1 à L. 343-3 du Code de la consommation). 

Toutefois, ces dispositions n’ont pas été votées. Néanmoins, celles-ci permettraient d’unifier et de simplifier les règles (loi, jurisprudence) relatives au cautionnement. 

Maud HELLEC

Emma GARGONNE

Anaïs POIROT

Alexène VOGT


[1] https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000042552066?isSuggest=true

[2] https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006292690/2004-02-05

[3] https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000036980382/

[4] https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000037676932/

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