Dissolution d’une SCI pour mésentente des associés

La 3ème chambre civile de la Cour de cassation a rendu un arrêt le 17 décembre 2020 (n°19-15.964), portant sur la dissolution d’une société civile immobilière (SCI) en raison d’une mésentente entre les deux associés de la société.

Sa décision est prise au visa de l’article 1844-7 5° du code civil qui dispose que : « la société prend fin par la dissolution anticipée prononcée par le tribunal à la demande d’un associé pour justes motifs, notamment en cas d’inexécution de ses obligations par un associé, ou de mésentente entre associés paralysant le fonctionnement de la société « .

En l’espèce, il s’agissait d’une Société civile immobilière (SCI), composée de deux associés égalitaires. Un des associés a cédé ses parts à ses fils.

Par la suite, les enfants de l’associé ont assigné le coassocié et la SCI en dissolution de celle-ci, en invoquant comme juste motif, la mésentente. Ayant obtenu gain de cause, le coassocié a formé un pourvoi en cassation estimant que la paralysie du fonctionnement de la société n’a pas été caractérisée et qu’il n’y a donc pas de juste motif à la dissolution de la SCI. La Cour de cassation suit l’avis de la cour d’appel en considérant qu’il y a bien une paralysie du fonctionnement de la société.

Cet arrêt rappelle alors que le juste motif de la dissolution ne peut pas être caractérisé par une simple mésentente des associés mais qu’il s’agit surtout du blocage de la société, de sa paralysie.

En l’espèce, la paralysie du fonctionnement de la société avait été caractérisée par une mésentente, qui a engendré la perte de l’affectio societatis.

Dans quelles conditions peut-on envisager une dissolution de la société en raison d’une mésentente entre associés ?

  1. Le juste motif: la mésentente

Au regard de l’article 1844-7 5° du code civil, la mésentente constitue un juste motif de dissolution. Seulement, il ne doit pas y avoir une simple mésentente, mais une véritable paralysie de la société du fait de cette mésentente.

La mésentente ne fait pas l’objet d’une définition juridique précise mais elle est appréciée souverainement par les juges à l’aide d’indices, de preuves.

En l’espèce, la mésentente entre les associés avait été caractérisée par plusieurs éléments de preuve comme :

  • Des courriers affirmant les rapports conflictuels entre les associés
  • La décision unilatérale d’un expert-comptable qui engendrait des frais supérieurs à 1000 francs et constituait une décision non conforme aux statuts qui prévoient l’approbation de l’assemblée générale pour de telles sommes.
  • Par l’inexécution des obligations d’un associé, notamment le non-établissement d’une comptabilité et des assemblées générales.

De surcroît, les associés ayant des parts égales ont autant de voix l’un que l’autre. L’unanimité des voix est donc nécessaire pour la prise de décision. Cependant, leur relation étant conflictuelle, aucun accord n’est envisageable, ce qui engendre une impossibilité de prise de décision. La société ne peut pas avancer dans ce contexte ; elle est bien paralysée.

Les juges ont donc souverainement déduit de ces éléments que la mésentente paralysait la société et qu’elle engendrait la perte de l’affectio societatis.

  1. Perte de l’affectio societatis

L’affectio societatis est le terme latin désignant la volonté de s’associer et d’œuvrer pour un objectif commun. Il s’agit d’un élément indispensable pour la constitution d’une société. Cependant, la disparition de l’affectio societatis n’est pas en elle-même une raison suffisante de dissolution unilatérale de la société mais ça le devient lorsqu’elle engendre une paralysie de la société.

Certes, les preuves apportées ci-dessus, permettent de caractériser une mésentente mais la mésentente ne suffit pas pour démontrer une paralysie du fonctionnement. Dès lors, la Cour retient que « l’impossibilité de trouver un accord pour prendre une décision illustrait la perte de l’affectio societatis et démontrait le blocage de la SCI (…) ».

Comme évoqué précédemment, la SCI était divisée à parts égales entre ces deux associés, ce qui complexifie la prise de décision en cas de désaccord. Dès lors, plus aucune décision ne pouvait être prise du fait de cette égalité des voix. Cette impossibilité de décision prouve bien que la mésentente engendre un blocage et par conséquent une perte de l’affectio societatis.

Même si les éléments isolés, comme l’absence de réunion de l’assemblée générale, ne pourraient pas constituer une paralysie du fonctionnement de la société, l’ensemble des éléments de l’espèce permettent de caractériser cette paralysie. La dissolution d’une société n’est pas un événement anodin. Les associés ont des moyens alternatifs au moment de la rédaction des statuts pour prévoir la mésentente.

  1. Possibilité de pallier à la mésentente dans les statuts

Toute la difficulté réside dans la prise de décision. De ce fait, une répartition égalitaire du capital social au sein d’une SCI peut conduire à un blocage du fonctionnement de la société, notamment en cas de mésentente. En effet, les décisions, au sein de l’assemblée générale, doivent recueillir la majorité voire l’unanimité. Dans une société composée de deux associés égalitaires, il est nécessaire d’obtenir l’accord de chacun pour une prise de décision.

Cependant, dans l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 17 décembre 2020, les relations conflictuelles entre les associés bloquent tout accord, ce qui engendre une impossibilité de prise de décision et une paralysie de la société.

Il peut être alors intéressant de mettre en place des mécanismes permettant de résoudre la paralysie du fonctionnement de la SCI, avant même l’intervention d’une mésentente. Il s’agit simplement de prévenir les cas de mésententes, afin d’éviter une éventuelle paralysie qui aura pour conséquence la dissolution de la société. Les parties peuvent prévoir dans les statuts :

  • La nomination d’un conseil d’accompagnement. Un arbitre permettra de résoudre les conflits et de prendre des décisions.
  • Une clause de sortie de crise : ce sont les conditions de départ de l’un des associés. Par exemple, en cas de mésentente, une clause de rachat forcé permettra à un associé de proposer à l’autre associé égalitaire le rachat de ses titres.
  • Des solutions de médiation avec une personne habilitée.

Cela permettra de préserver les intérêts des associés et celui de la société (intérêt social).

Pour aller plus loin: 3ème chambre civile, cour de cassation du 17 décembre 2020

Amandine TOURNE et Adeline BRUNEAU

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