De manière générale, le devoir de conseil fut défini dans un arrêt de la 1ère chambre civile de la Cour de cassation du 10 novembre 1964 comme le fait, pour un professionnel, d’être « un guide sûr et un conseiller expérimenté ». Avant la réforme du droit des contrats en date du 10 février 2016, le devoir de conseil n’était défini que de manière éparse et incohérente par la jurisprudence. Désormais, l’article L521-4 du Code des assurances définit le devoir de conseil de la manière suivante : « Le distributeur conseille un contrat qui est cohérent avec les exigences et les besoins du souscripteur éventuel ou de l’adhérent éventuel et précise les raisons qui motivent ce conseil. »
L’obligation d’information pesant sur l’entreprise d’assurance est, quant à elle, exprimée en des termes similaires en droit commun, droit des assurances et droit de la consommation.
L’article 1112-1 du Code civil la consacre en indiquant que toute partie ayant connaissance d’une information déterminante pour le consentement de son cocontractant, doit l’en informer si l’information a « un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties ».
En droit des assurances, c’est l’article L112-2 du Code des assurances définit l’obligation d’information de l’assureur en insistant sur la fourniture d’une « fiche d’information sur le prix et les garanties avant la conclusion du contrat ».
Et en droit à la consommation, l’article L111-1 du Code de la consommation précise qu’avant que le consommateur ne soit lié par un contrat à titre onéreux, le professionnel doit communiquer au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les caractéristiques essentielles du bien ou du service.
Ces deux notions sont indétachables et ont pour dessein de protéger le consommateur. La différence entre le devoir de conseil et l’obligation d’information est ténue mais pas inexistante.
Qu’est-ce que le devoir de conseil ?
Le professionnel doit renseigner son client profane et le conseiller en fonction de ses besoins. Il s’agit d’une notion prétorienne longtemps ignorée par le Code civil, le manquement à cette obligation est désormais sanctionné à l’article 1217 du Code civil et engage la responsabilité contractuelle du professionnel à l’égard du profane.
En droit des assurances, le devoir de conseil vise à établir un équilibre contractuel entre l’assureur et son client dont l’ignorance s’apprécie en fonction de la complexité des produits proposés. Ainsi, le devoir de conseil de l’assureur est proportionnel au niveau d’ignorance de l’assurable. Ainsi, l’entreprise d’assurance supporte une obligation de conseil au stade précontractuel (article L521-4 alinéa 2 du Code des assurances).
Le devoir de conseil peut également s’apprécier à l’aune du solidarisme. Le devoir de conseil peut servir l’intérêt général en prévenant les clients contre des situations fort dommageables. En effet, le devoir de conseil nécessite la fourniture de toutes les informations susceptibles de permettre au client d’adapter ses garanties en fonction des risques à couvrir et de vérifier si le contrat proposé par l’assureur correspond aux besoins du souscripteur. C’est pourquoi le conseil de l’assureur au profane doit être personnalisé et ne peut répondre à une logique purement marchande. Le devoir de conseil peut, par exemple, porter sur l’utilité et l’opportunité de la souscription du contrat d’assurance (Civ. 1ère, 10 décembre 1991, n° 89-12.044). L’assureur se doit de conseiller son assurable sur l’intérêt, ou non, de conclure un contrat d’assurance.
Le respect du devoir de conseil de l’assureur consiste donc à informer précisément son client des risques du contrat et à permettre la conclusion d’un contrat personnalisé couvrant ces risques. Il doit également préciser les raisons qui motivent ce conseil. A l’inverse, l’assuré doit également fournir des informations vraies et suffisantes sur sa situation à la demande de l’assureur, pour que le devoir de conseil soit idoine. En cas de manquement du souscripteur à ses obligations, l’assureur est également tenu d’un devoir de mise en garde sur les conséquences d’une fausse déclaration.
Qu’est-ce que l’obligation d’information ?
L’obligation d’information est définie dans l’article L112-2 du Code des assurances comme l’obligation par l’assureur de remettre à son client une « fiche d’information sur le prix et les garanties avant la conclusion du contrat. ». Toutefois, cette fiche d’information n’est pas définie légalement et aucun document légal ou contractuel ne s’intitule ainsi. Ce document porte sur le prix et les garanties du contrat d’assurance, l’assureur par ce biais informe l’assurable sur le contrat d’assurance qu’il va souscrire. A l’instar du devoir de conseil, cette obligation d’information apparait dès la phase précontractuelle. L’assureur remet à l’assurable un exemplaire du potentiel futur contrat assorti d’une notice d’information sur le contrat. Cette dernière reprend les garanties assorties des exclusions du contrat, ainsi que les obligations du contractant. Sur le fondement de l’obligation d’information, le Code des assurances contraint également, pendant la phase précontractuelle, l’assureur à remettre à l’assurable une seconde fiche d’information précisant la loi applicable au contrat quand ce n’est pas la loi française.
L’article L521-3 du Code des assurances précise également que l’assureur doit fournir certains éléments d’informations à l’assuré tels que « son identité, son adresse, sa qualité d’entreprise d’assurance, les procédures de réclamation et les recours à un processus de médiation possibles ».
Étant donné que les rapports de force entre le professionnel et le profane sont, par essence, déséquilibrés, l’assureur a le devoir de fournir tous ces éléments à l’assurable même si ce dernier n’en formule pas la demande. Cela permet à l’assurable de comparer les prix et garanties entre les différentes compagnies d’assurance.
En outre, une directive européenne entrée en vigueur le 1er octobre 2018 (Directive 2016/97 du Parlement européen et du Conseil du 20 janvier 2016 sur la distribution d’assurances) est venue imposer la remise d’un document lié au contrat : une feuille recto verso doit résumer le contrat et ses garanties. C’est le DIPA : document d’information clef qui reprend les caractéristiques du produit d’assurance. Il est obligatoire pour les assurances non-vie.
Ce document ne concerne que l’information de l’assureur envers l’assuré et doit être remis manuellement ou par voie électronique, depuis une loi du 13 mars 2000 (Loi n°2000-230 du 13 mars 2000 portant adaptation du droit de la preuve aux technologies de l’information et relative à la signature électronique). Pour qu’un document numérique ait la même valeur juridique d’un document papier, il faut s’assurer que ce que l’expéditeur a envoyé comporte les mêmes éléments que ce que le destinataire a reçu (certificateurs numériques à la fin du mail) et l’expéditeur doit conserver dans une base de données numériques ce qu’il a envoyé sans limite de temps. Ces conditions font partie de l’obligation d’information du distributeur ou de l’informateur.
L’obligation précontractuelle d’information se prolonge également par une obligation contractuelle d’information. En effet, l’article L112-4 du Code des assurance indique que la police d’assurance doit mentionner des éléments particuliers :
« – les noms et domiciles des parties contractantes ;
– la chose ou la personne assurée ;
– la nature des risques garantis ;
– le moment à partir duquel le risque est garanti et la durée de cette garantie ;
– le montant de cette garantie ;
– la prime ou la cotisation de l’assurance.
La police indique en outre :
– la loi applicable au contrat lorsque ce n’est pas la loi française ;
– l’adresse du siège social de l’assureur et, le cas échéant, de la succursale qui accorde la couverture ;
– le nom et l’adresse des autorités chargées du contrôle de l’entreprise d’assurance qui accorde la couverture. »
Il existe également des obligations d’information spécifique ad-hoc, dans le cadre des assurances vie et assurances automobiles. Notamment lors de la délivrance des conditions générales, il doit être précisé à l’assuré qu’elles valent notice d’information.
Le cadre particulier dans lequel certains contrat d’assurance peuvent être souscrit doit également être pris en compte. Par exemple, la souscription à distance, et l’article L221-1 du Code de la consommation qui définit le contrat à distance comme « tout contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, dans le cadre d’un système organisé de vente ou de prestation de services à distance, sans la présence physique simultanée du professionnel et du consommateur, par le recours exclusif à une ou plusieurs techniques de communication à distance jusqu’à la conclusion du contrat. » En cas de contrat conclu à distance, il faut aussi mentionner le fait que le consommateur dispose d’un délai de 14 jour pour exercer son droit de rétractation (L221-18 du Code de la consommation).
L’obligation précontractuelle d’information ne peut pas être exclue par une clause du contrat, c’est une disposition d’ordre public. Le manquement à ce devoir d’information n’a pas à être prouvé par le demandeur, c’est à l’assureur de prouver qu’il a dûment informé l’assuré. L’article R112-3 du Code des assurances dispose que « La remise des documents visés au deuxième alinéa de l’article L. 112-2 est constatée par une mention signée et datée par le souscripteur apposée au bas de la police, par laquelle celui-ci reconnaît avoir reçu au préalable ces documents et précisant leur nature et la date de leur remise.» En cas de manquement effectif de l’assureur à cette obligation d’information, la sanction peut aller de la nullité du contrat à la mise en cause de la responsabilité civile précontractuelle du professionnel de l’assurance.
Quelle est la différence entre ces deux notions ?
L’obligation d’information consiste à fournir des renseignements objectifs sur le produit d’assurance tandis que le devoir de conseil est, par essence, personnalisé, pertinent et adapté aux besoins de son destinataire.
L’assureur doit aider l’assurable à choisir le contrat le plus ajusté à ses besoins et le mettre en garde contre les risques éventuels ou avérés du produit d’assurance souscrit.
Aliénor LE JARIEL et Sarah PALERMO