Droits de succession – Un impôt réformable au coeur de la campagne présidentielle

En France, il existe une multitude de règles juridiques et fiscales qui occupent la transmission d’un héritage à ses héritiers. Les droits de succession sont un impôt indirect soumis à un barème d’imposition progressif après abattement, calculé sur chacune des parts de succession. Depuis quelques années, volonté est de réformer ce droit. Sujet politiquement inflammable, au coeur de la campagne présidentielle.

I  / Définition des droits de succession

Le paiement des droits de succession est une formalité âpre et sensible. Il intervient à un moment de la vie douloureux. Ici le notaire dispose d’un rôle central, ce dernier a pour mission d’identifier les héritiers qui succéderont à la personne décédée et de les informer de leurs droits.

La détermination de l’actif est la première étape dans le calcul du montant des droits. Cette dernière s’effectue par une évaluation de la valorisation du patrimoine du défunt. Une fois évalué, l’ensemble sera compensé par le passif : nous trouverons alors le patrimoine net. Au choix des futurs héritiers – si le passif est supérieur à l’actif – d’accepter ou de refuser l’héritage.

Ce patrimoine net est ensuite réparti entre les héritiers selon les dispositions légales ou selon les volontés du défunt si ce dernier a rédigé un testament.

Au préalable cette part nette va faire l’objet d’une déduction par un abattement légal dépendant du lien de parenté avec la personne décédée.

Abattements fiscaux légaux sur succession :

TransmissionDonationSuccession
En ligne directe100 000 € 100 000 €
Entre frères et sœurs15 392 € 15 392 €
Entre neveux et nièces7 967 € 7 967 €
Entre époux ou pacsés80 724 €Exonération
Aux petits enfants31 865 €1 594 €
Aux arrières-petits-enfants5 310 € 1 594 €
Abattement par défautAucun 1 594 €
A une personne handicapée (cumulable à tout autre abattement) 159 325 € 159 325 €
Source : notaire.fr

Après abattement, sur cette part nette taxable sera appliquée le barème d’imposition en vigueur. Un barème progressif qui varie par tranche.

Tarif des droits de succession et de donation applicables :

Fraction de part nette taxableTarif applicable
N’excédant pas 8 072 €5 %
Comprise entre 8 072 € et 12 109 €10 %
Comprise entre 12 109 € et 15 932 €15 %
Comprise entre 15 932 € et 552 324 €20 %
Comprise entre 552 325 € et 902 838 €30 %
Comprise entre 902 839 € et 1 805 677 €40 %
Au-delà de 1 805 677 €45 %
Entre parents jusqu’au 4ème degré55 %
Entre parent au-delà du 4ème degré et entre personnes non parentes60 %
Source : notaire.fr

Le paiement des droits de succession à lieu au dépôt de la déclaration de succession. Le calcul de cet impôt est assez complexe, de surcroit l’héritage et les droits de succession sont des domaines qui évoluent en fonction des gouvernements successifs. Obsession française depuis 1789, cet impôt ne cesse de se modifier.

Récemment, le Conseil d’analyse économique (CAE) a publié une note sur l’héritage et sa taxation en France. Cette instance composée d’économiste reconnus invite à repenser l’impôt sur les successions « afin qu’il puisse mieux atténuer les inégalités patrimoniales qu’il génère ».

II  / Vers une tentative de réformation

Certains considèrent cet impôt comme un puissant instrument de redistribution et de transformation sociale à disposition de l’État, et bien entendu comme une source de financement majeure.

Un rapport du CAE de décembre 2021 – instance rattachée au Premier ministre – note que la fortune héritée représente 60% du patrimoine total, contre 35% au début des années 1970. En réaction à cela, le rapport recommande de :

  • taxer le flux successoral total perçu par les individus tout au long de leur vie, ce qui permettrait de traiter de la même façon les héritages en ligne directe et indirecte. L’instance rapporte que « les héritiers les plus riches reçoivent plusieurs transmissions au cours de leur vie », ce qui permettrait « d’utiliser plusieurs fois les abattements » et que soit réduite les exemptions dont la justification économique est « discutable » ;
  • réduire ou éliminer les principales « niches » fiscales et rendre l’imposition de l’héritage plus effective. Le conseil d’analyse souhaite inclure l’assurance-vie au droit des successions et de supprimer le dispositif Dutreil ;
  • garantir un capital pour tous afin de limiter les inégalités patrimoniales les plus extrêmes ;
  • bâtir un système d’information plus transparent

Dernièrement une proposition de loi socialiste voulant revoir le principe « familial » des droits de successions sur les barèmes et abattements, a été examinée fin janvier 2022. Le 21 janvier, cette proposition a de nouveau été rejetée – proposition qui avait déjà été rejetée par la Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire et par l’Assemblée Nationale en avril 2021 – majoritairement par La République en Marche et Les Républicains.

La députée autrice du texte Christine Pirès-Beaune expliquait que l’idée était de « diminuer l’impôt pour les classes moyennes et moyennes supérieures, et de l’augmenter pour les 1% les plus aisés » par l’instauration d’un abattement sur les successions pour les transmissions allant jusqu’à 300 000 euros sur l’ensemble de sa vie et cela « à titre gratuit, quel que soit le lien qui l’unit aux défunts ou aux donateurs, qu’il appartienne à sa famille proche, éloignée, ou qu’il soit pour lui, du point de vue du droit, un simple étranger ». A noter que l’exonération entre époux était préservée grâce aux régimes matrimoniaux qui prévalent sur le droit des successions.

La rapporteuse du texte proposait également de réformer le barème des droits et mutations à titre gratuit (droits sur les successions, DMTG) en établissant trois tranches :

  • la fraction de part nette taxable inférieure ou égale à 800 000 € aurait un taux de 30% ;
  • la fraction comprise entre 800 001 et 1 600 000 €, connaitrait un taux de 45% ;
  • la fraction dépassant 1 600 000 euros, serait à un taux de 60%

Enfin la parlementaire souhaitait mettre fin à l’avantage de l’assurance vie – considéré comme « une véritable niche fiscale » – en la soumettant aux droits de mutation à titre gratuit.

Conclusion ? En rappelant que la France reste championne d’Europe de la taxation des successions, il n’y fait pas bon d’y mourir.

III  / Les propositions des candidats pour l’élection présidentielle de 2022

Même si 80% des Français se déclarent opposés à la taxation de l’héritage, les débats restent nombreux. A 55 jours du premier tour, les principaux candidats à l’Elysée multiplient les propositions pour réformer le droit des successions, entre redistribution à gauche et défiscalisation à droite. Voici ce qu’ils proposent :

Jean-Luc Mélenchon (La France insoumise) :

Le candidat insoumis a l’idée de « tout taxer au-delà de 12 millions d’euros ». Cela concerne d’après lui « 0,01 % des gens ». Il se propose également d’abaisser les taux pour les héritiers en filiation indirecte, si ces derniers garantissent à un «devoir de vieillesse», en signant un «partenariat civil». Propos recueillis par Libération.

Fabien Roussel (Parti communiste français) :

Le candidat communiste soumet qu’il n’y ait « pas de taxe jusqu’à 120 000 euros, quel que soit le bénéficiaire ». En ce qui concerne les parts supérieures à 120 000 euros, il « propose un impôt progressif » qui mettra fin selon ces termes « aux niches fiscales qui profitent aux plus riches ». Propos recueillis par Libération.

Yannick Jadot (Europe Ecologie-les Verts) :

Le député européen s’inspire du système déjà appliqué en Irlande en limitant à 100 000€ la défiscalisation des donations et des héritages tout au long de la vie avec un barème d’imposition progressif, et ce qu’importe le lien familial défunt/héritier. La volonté première est ici de prendre en considération l’évolution des situations familiales. Le candidat écologiste souhaite également accorder une attention particulière aux niches fiscales, tout comme le candidat communiste. Propos recueillis par Libération.

Anne Hidalgo (Parti socialiste) :

La candidate veut davantage mettre à contribution les patrimoines les plus importants. D’après son programme – 2022avechidalgo – la candidate socialiste veut « faciliter la transmission en abaissant la fiscalité des successions pour 95 % des Français ». Elle souhaite financer ces mesures en « augmentant les impôts des successions pour les très hauts patrimoines (supérieurs à 2 millions d’euros), ce qui créera 8 milliards d’euros de ressources nouvelles par an ».

Emmanuel Macron (La République En Marche) :

Pas encore candidat à la présidentielle 2022, le Président sortant ne s’est pas explicitement positionné sur le sujet depuis 2016 alors qu’il était ministre de l’économie de François Hollande

« si on a une préférence pour le risque face à la rente, ce qui est mon cas, il faut préférer la taxation sur la succession aux impôts de type impôt sur la fortune ». Durant sa campagne de 2017, l’énarque préfère écarter le sujet trop sensible politiquement.

Fin 2021, son actuel ministre de l’Economie Bruno Lemaire, déclara au Parisien « Je ne fais pas parti de ceux qui pensent qu’il faut augmenter les droits de succession à tout-va, au contraire », estimant qu’« il faut plutôt accompagner les gens pour les aider à transmettre les patrimoines modestes ».

Valérie Pécresse (Les Républicains) :

La candidate des républicains propose – selon son programme Pécresse2022 – de « faciliter la transmission de patrimoine vers les jeunes pour financer leurs études ou leurs projets de vie avec un don défiscalisé possible tous les six ans pour un montant maximum de 100 000 euros pour les parents et les grands-parents, et de 50 000 euros pour les oncles, tantes, fratries ».

Eric Zemmour (Reconquête!) :

Le candidat de « Reconquête! » aimerait « exonérer de droits de donation et de succession les transmissions d’entreprises familiales entre générations », cela « incite à la transmission tout au long de la vie ». Il propose donc « qu’un parent puisse donner à son enfant une somme d’argent exonérée de droits jusqu’à 200 000 euros tous les dix ans. Le régime applicable aux grands- parents en matière de donation sera aligné sur celui des parents ». Propos recueillis du Figaro.

Marine Le Pen (Rassemblement National) :

La candidate du Rassemblement National souhaiterait faciliter les donations, en accroissant leur fréquence, mais également qu’il puisse « être mis en place des droits de donation exonérés d’impôts qui soient égaux entre les grands-parents et les petits-enfants, et les parents et les enfants, à hauteur de 100 000 euros tous les dix ans ». Grand Jury RTL.

Maxence DHAINAUT

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