L’appréciation de la faillite personnelle par les juges

Seuls des faits antérieurs à l’ouverture de la procédure collective peuvent justifier le prononcé d’une mesure de faillite personnelle.

Le tribunal qui prononce une mesure de faillite personnelle doit motiver sa décision, tant sur le principe que sur le quantum de la sanction, au regard de la gravité des fautes et de la situation personnelle de l’intéressé.

Chambre commerciale de la Cour de cassation, 20 octobre 2021, pourvoi n° 20-10.557

La faillite personnelle est une sanction professionnelle visant le dirigeant qui aurait commis une faute dans la gestion de l’entreprise. Elle peut être prononcée à l’occasion d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire et jusqu’au jugement de clôture, à l’encontre de tout dirigeant, personne physique, de droit ou de fait, d’une personne morale.

Comme le prévoit l’article L. 653-2 du Code de commerce, la faillite personnelle emporte l’interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole ou toute entreprise ayant toute autre activité indépendante et toute personne morale. Il s’agit d’une véritable sanction, à distinguer des procédures de rétablissement personnel ou de rétablissement professionnel qui visent à effacer les dettes de celui qui bénéficie d’une telle procédure.

La faillite personnelle peut être prononcée en raison des motifs énoncés aux articles L. 653-3 à L. 653-6 du Code de commerce, qui comprennent notamment le détournement d’actifs, l’augmentation frauduleuse du passif, le paiement malgré la cessation des paiements, la poursuite abusive d’une activité déficitaire et les irrégularités comptables.

La procédure de faillite personnelle peut entraîner de lourdes sanctions d’une durée maximum de 15 ans. C’est pour cela que dans une décision rendue le 20 octobre 2021, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a rappelé plusieurs principes importants quant à l’appréciation de la situation pouvant aboutir au prononcé d’une faillite personnelle.

L’appréciation de la date des faits reprochés

Les textes concernant la faillite personnelle ne mentionnant pas explicitement la date des faits imputables au débiteur, il est possible de penser que des faits même postérieurs à l’ouverture de la procédure collective pourraient être retenus à son encontre.

Cependant, en raison du caractère punitif de la sanction, il faut appliquer certains grands principes du droit pénal comme le principe d’interprétation stricte de la loi. En vertu de ce principe, les juges affirment que seuls des faits antérieurs à l’ouverture de la procédure collective peuvent justifier le prononcé d’une mesure de faillite personnelle. Dans cette situation, ils ne peuvent pas interpréter les textes légaux de manière large.

Les faits postérieurs à l’ouverture du jugement ne peuvent donc pas être utilisés afin de fonder les poursuites, même lorsqu’ils ont été commis le jour du jugement.

Motivation de la décision : le respect du principe de proportionnalité

Le juge doit veiller à la proportionnalité de la sanction et à l’individualisation de la peine. Cela le conduit à devoir motiver sa décision quant au quantum de la sanction.

Pour ce faire, il doit apprécier de manière concrète la gravité de la faute et la situation personnelle du dirigeant. Le juge apprécie ainsi la situation matérielle, familiale, sociale ainsi que la personnalité du dirigeant. Cela lui permet de motiver sa décision et de justifier la sanction prononcée à l’encontre du débiteur.

Lorsqu’un seul des faits légalement prévus est établi, les juges peuvent prononcer la faillite personnelle. Toutefois, si plusieurs faits sont retenus par une juridiction, en vertu du principe de proportionnalité, chaque fait énuméré doit être légalement justifié. 

Pour aller plus loin : Chambre commerciale de la Cour de cassation, 20 octobre 2021

François-Xavier MARIE

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