L’ANNULATION D’UNE CESSION D’ACTIONS POUR DOL

 « Faisant ressortir l’intention dolosive des cédants et le caractère déterminant de l’erreur provoquée par leurs agissements, la cour d’appel, qui a procédé aux recherches invoquées par les première et deuxième branches, a pu, sans méconnaître les conséquences légales de ses constatations, déduire que le dol était caractérisé »

Chambre commerciale de la Cour de cassation, 12 mai 2021, pourvoi n°19-18.500

Chaque associé détenant des actions dispose par principe d’une liberté de cession de ces dernières. Il existe différentes causes pouvant justifier une volonté de céder des actions. A titre d’exemple, nous pouvons citer une volonté de quitter la société ou encore de tirer une valeur vénale importante de l’action vendue.

Une cession d’actions nécessite la conclusion d’un contrat. Ainsi, la cession d’actions est soumise au droit commun des contrats. Par conséquent, il est possible de remettre en cause une cession d’actions en invoquant les vices du consentement et notamment le dol. La cession d’action est ainsi nulle lorsque « les manœuvres pratiquées par l’une des parties sont telles, qu’il est évident que, sans ces manœuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté » au sens de l’article 1116 du Code civil.

Le dol est défini par l’article 1137 du Code civil. Ainsi, il désigne le fait de recourir à des manœuvres frauduleuses ou des mensonges dans l’objectif de tromper son cocontractant et d’obtenir son consentement.

De sorte que, si au moment de la cession d’actions, la société était en cessation des paiements et que le cédant a tenté de dissimuler ces difficultés financière, le cessionnaire tentera d’agir sur le terrain du dol pour obtenir la nullité rétroactive de la cession. Le second alinéa de l’article 1116 du Code civil nous indique alors que le dol « ne se présume pas et doit être prouvé », ainsi le cessionnaire devra démontrer les manœuvres pratiquées par le cédant et le fait qu’il n’aurait pas accepté de contracter s’il avait eu connaissance de cet état des paiements.

La décision rendue le 12 mai 2021 par la Chambre commerciale de la Cour de cassation illustre un cas d’annulation d’une cession d’actions pour dol.

En l’espèce, à la suite d’une opération globale de cession d’actions, le cédant a découvert un certain nombre d’anomalies comptables au sein du groupe de sociétés.

Dans un premier temps, une clause de garantie de passif a été mise en oeuvre, permettant ainsi la réduction du prix de cession via un protocole d’accord. Les sociétés du groupe ont été placées en liquidation judiciaire.

Dans un second temps, le cessionnaire a demandé l’annulation de la cession pour dol.

A cette occasion, les juges n’ont pas manqué de rappeler un principe fondamental que nous avons évoqué ci-dessus : l’intention dolosive des cédants doit être démontrée et celle-ci doit avoir été déterminante du consentement du cessionnaire de sorte qu’il n’aurait pas contracté s’il en avait eu connaissance.

En l’espèce, cette preuve était constituée. C’est donc à bon droit que les juges du fond ont prononcé la nullité de la cession.

Il convient également de rappeler que même si le cessionnaire est fondé à exercer une action en nullité sur le fondement de l’article 1137 du Code civil, la Cour de cassation est venue préciser à différentes reprises que “s’il ne demande pas la nullité du contrat, le préjudice réparable du cessionnaire correspond uniquement à la perte d’une chance d’avoir pu contracter à des conditions plus avantageuses.”

Finalement, ces différents fondements juridiques permettent au cessionnaire d’intenter une action en justice contre le cédant à l’origine de manœuvres dolosives qui avait pour objectif de dissimuler la réelle situation de la société.

Pour aller plus loin :

Sabrina AMAMRA

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