La clause de bad leaver

La clause de “bad leaver” (ou clause de cession forcée) est une clause prévoyant le rachat des parts sociales des associés sortants accompagnée d’un mécanisme de sanction. En effet, en vertu de cette clause, l’associé sortant avant la date prévue de départ est considéré comme un « mauvais partant », ses parts sociales sont alors rachetées par les autres associés à un prix inférieur à leur prix sur le marché.  

Inspirée du droit anglo-saxon, cette clause a donc pour objectif d’organiser la reprise de la participation d’un associé quittant la société.  

La clause de bad leaver peut être insérée dans les statuts des sociétés ou encore dans des pactes extrastatutaires tels que les pactes d’associés. Elle met en place un mécanisme de cession de droits sociaux quand un événement déterminé se réalise. Il faut que l’événement et les modalités d’application de la décote soient déterminés contractuellement. Ces événements peuvent être constitués par la révocation du dirigeant, sa démission ou encore par la concurrence qu’il fait à la société. Ces clauses peuvent ainsi être mises en œuvre lorsque l’associé quitte spontanément ses fonctions au sein de la société ou de manière forcée. Elles sont applicables de plein droit dès lors que l’associé n’a pas respecté une obligation contractuelle.   

La clause de bad leaver induit donc une sanction. Ainsi, si le départ de l’associé s’est réalisé dans des circonstances considérées comme « négatives”, une décote sur les titres sera appliquée, ce qui diminue le prix de vente. 

  • La validité de la clause de bad leaver 

Afin qu’une clause de bad leaver soit valide, plusieurs conditions doivent être respectées. 

Tout d’abord, les cas dans lesquels l’associé sortant est considéré comme un “bad leaver” doivent être précisément déterminés. Le plus souvent, on y trouve la démission et le licenciement.  

Ensuite, le prix de cession des parts doit être déterminable. Il n’est pas nécessaire que le prix de cession soit déterminé, mais le mécanisme permettant de le calculer doit figurer dans la clause. 

Enfin, il faudra prévoir à l’avance la durée pendant laquelle la clause s’appliquera. 

Les clauses de bad leaver consistent en une promesse unilatérale de vente fixant le prix de cession en fonction des circonstances dans lesquelles l’associé est parti. L’article 1124 du Code civil régit les promesses unilatérales de vente. Selon ce mécanisme, l’associé est le promettant, tandis que le bénéficiaire de la clause peut être l’actionnaire majoritaire.  

Dans un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 19 mars 2013 n°12/03448 SAS Kerland, il a été considéré que si la clause de bad leaver est insérée dans un pacte d’actionnaires, il faut respecter le formalisme de mise en œuvre prévu. Autrement, la promesse de vente, c’est-à-dire la clause de bad leaver, ne peut pas être valablement exercée.  

  • L’exigence du caractère non potestatif de la clause de bad leaver  

Une condition est potestative lorsque la réalisation d’une obligation dépend uniquement de la volonté d’un seul des contractants. La clause de bad leaver ne peut pas être purement potestative. Selon un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 22 septembre 2021, n°19-23.958, “Ne revêt pas un caractère potestatif une condition dont la réalisation dépend, non de la seule volonté du créancier de l’obligation, mais de circonstances objectives susceptibles d’être contrôlées judiciairement.”. En revanche, la clause de bad leaver est prohibée si la condition est purement potestative au seul pouvoir du débiteur de la clause. Cependant, la jurisprudence considère que le fait que la faute grave visée par la clause puisse être contestée en justice suffit à considérer que la clause de bad leaver ne dépend pas uniquement de la volonté de l’employeur. De ce fait, elle ne sera pas purement potestative et sera donc valable.   

  • La validité de la clause de bad leaver au regard du droit du travail 

Les clauses de bad leaver concernent les dirigeants, mais elles peuvent également porter sur les salariés lorsqu’ils sont actionnaires. De ce fait, des problèmes peuvent se poser concernant l’articulation de cette clause avec le droit du travail. 

Selon un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 7 juin 2016, n°14-17.978, la clause de bad leaver n’est pas une sanction pécuniaire prohibée au regard du droit du travail, “en ce qu’elle ne vise pas à sanctionner un agissement du salarié considéré par l’employeur comme fautif, dès lors qu’elle s’applique également dans toutes les hypothèses de licenciement autre que disciplinaire”.  

Dans un arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 21 octobre 2009, n°08-42.026, un salarié avait été privé de ses stock-options suite à son licenciement pour faute grave. La Cour de cassation avait considéré qu’il s’agissait alors d’une sanction pécuniaire, ce qui est prohibé par le Code du travail au sens de l’article L1331-2. En présence d’un salarié, il faut donc faire attention à la qualification de sanction pécuniaire que pourrait entraîner la clause de bad leaver. Celle-ci serait alors abusive.  

Comme évoqué précédemment, la clause de bad leaver peut jouer lorsque l’associé quitte la société de son plein gré, mais également lorsqu’il y est forcé en cas de révocation. En effet, la stipulation qui l’oblige à céder ses actions lorsqu’il perd la qualité de salarié ou de dirigeant est validée par la jurisprudence. En ce sens, par un arrêt du 3 février 2015 (n°13-28.164), la chambre commerciale de la Cour de cassation donne plein effet à une promesse de vente d’actions d’un président-directeur général (PDG) sous condition suspensive de sa révocation pour faute grave ou lourde. 

  • L’intérêt de prévoir une telle clause 

La clause de bad leaver est très intéressante, notamment pour les investisseurs. En effet, lorsque des investisseurs entrent au capital d’une société, ils souhaitent que certains des associés déjà présents y restent, notamment les hommes clés. Cette clause permet alors aux nouveaux associés de s’assurer que les personnes ayant un poste stratégique dans la société ne vont pas quitter leurs fonctions trop rapidement. Ainsi, cela assure la pérennité de la société dans laquelle les nouveaux associés investissent.  

Mélissa TAS et Pauline JOUAS

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