Le bail commercial 3/6/9, un cadre de résiliation particulièrement protecteur

Le Chapitre V du Code de commerce (Articles L.145-1 à L145-60) est consacré au bail commercial dit 3/6/9 et vise à mettre en œuvre des dispositions permettant d’encadrer au mieux les relations entre les différentes parties. 

Ce type de bail régit les rapports qui se nouent entre un preneur (locataire) et un bailleur (propriétaire) à l’occasion de la mise à disposition d’un local commercial. Ledit local est affecté à l’exercice d’une activité commerciale, artisanale, ou industrielle réelle, et les locataires doivent être immatriculés au Registre du Commerce et des Sociétés (RCS) ou au Répertoire des Métiers (RM). En outre, le bail est conclu pour une durée déterminée, en principe pour neuf ans et dans la limite de douze ans. Bien qu’aucun formalisme ne soit exigé, un écrit est recommandé pour sa conclusion à titre probatoire et doit contenir des mentions obligatoires relatives aux conditions de fond. Les parties au bail commercial peuvent être des personnes physiques ou morales. Elles doivent en sus manifester leur intention d’appliquer ce régime lors de l’entrée dans les lieux. Il est à noter que des règles particulières s’appliquent notamment en matière de résiliation et ces spécificités qui expliquent  la dénomination de bail 3/6/9 seront l’objet de cette veille .  

Il existe des possibilités de résiliation offertes aux preneurs et aux bailleurs.  

Quelles sont les possibilités de résiliation du preneur ? 

Le locataire peut prendre l’initiative de la résiliation du bail commercial dans plusieurs cas. 

La résiliation triennale

Le preneur du local commercial dispose d’une faculté de résiliation triennale, c’est-à-dire à la fin de chaque période de trois ans plus précisément à la date d’anniversaire du contrat. Il doit cependant respecter un délai légal minimum de préavis de six mois et procéder par lettre recommandée avec accusé de réception ou acte extrajudiciaire. En outre, il n’est pas tenu de fournir de justifications au bailleur. En cas de pluralité de preneurs, le congé doit en principe être délivré avec l’accord de l’ensemble des copreneurs. Pour ce qui est des preneurs personne morale, c’est le représentant légal qui est chargé de donner congé. Le congé est valablement donné au bailleur, à son mandataire, ou à chacun des époux cobailleurs. Si l’ensemble des conditions sont respectées la résiliation ne donne pas lieu à indemnisation. Pour finir, tout congé invalide vaut absence de congé et donne normalement lieu à la poursuite du contrat jusqu’à la prochaine échéance. 

La loi Pinel de 2014 pose un principe d’interdiction de renonciation à la faculté de résiliation triennale. Cela signifie que le bail commercial ne peut pas être conclu pour une durée ferme de 9 ans. Par exception, il existe des cas limitatifs dans lesquels le preneur perd son droit de résiliation triennale (article L145-4).  

Résiliation anticipée

La résiliation intervient de manière anticipée dans plusieurs cas notamment si le preneur décède, se trouve en situation d’invalidité, ou décide de partir à la retraite.  

En cas de décès du preneur, ses ayants droits deviennent titulaires du bail et peuvent choisir de procéder à sa résiliation. Dans les autres cas, le preneur est en droit de demander la résiliation du bail.  

Le preneur peut saisir le juge judiciaire en cas de manquement grave du bailleur à ses obligations résultant du bail afin d’obtenir la résiliation sans mise en demeure préalable. Le juge procède alors à une appréciation souveraine de la gravité des faits et prononce s’il y a lieu la résiliation.  

Quelles sont les possibilités de résiliation du bailleur ? 

Le bailleur peut être à l’initiative de la résiliation du bail dans deux hypothèses.  

La résiliation triennale

Conformément à l’article L145 alinéa 2 du Code de commerce le bailleur a la possibilité de donner congé à son locataire à la fin de chaque période triennale. Il pourra donc notifier un refus de renouvellement au preneur sous réserve d’agir dans un délai de 6 mois avant le terme du bail. Le congé doit être donné par acte extrajudiciaire et préciser les motifs du refus de renouvellement sous peine de nullité. En cas de non respect du préavis, le congé produira ses effets à la fin de la période triennale suivante. Toutefois, cette faculté de résiliation triennale ne peut être exercée que dans certaines hypothèses citées à l’article L145-4 du Code de commerce.. 

Dans ces cas précis, le bailleur doit verser une indemnité d’éviction au locataire. Dans le cas contraire, le locataire a la possibilité de saisir le juge dans un délai de deux ans à compter du congé. L’indemnité sera alors calculée à hauteur du “préjudice causé par le défaut de renouvellement du bail ” article L 145-14 du Code de commerce.  

  • Si le non renouvellement du bail entraîne la disparition totale du fonds de commerce, l’indemnité d’éviction est égale à la valeur du fonds de commerce. 
  • Si le fonds de commerce doit être déplacé mais survit au non renouvellement du bail, l’indemnité d’éviction est réduite, elle correspond au coût de déplacement du fonds.  

La résiliation en cas de faute du locataire  

Le bailleur peut obtenir la résiliation du bail en cas de manquement du preneur à une de ses obligations contractuelles. Une clause résolutoire peut être stipulée dans le contrat, elle permet la résiliation automatique du bail en cas de manquement contractuel ou de faute de l’une des parties.  

  • Si une clause résolutoire a été insérée dans le contrat de bail, celle-ci pourra produire effet un mois après l’envoi d’une mise en demeure portant commandement d’exécuter l’obligation restée infructueuse (Civ. 3e, 11 déc. 2013). La résiliation est alors acquise de plein droit et doit être constatée par le tribunal judiciaire. Le juge peut décider de suspendre les effets de la clause résolutoire ce qui garantit une protection au preneur (conditions à l’article L145-41-alinéa 2).  
  • À défaut de clause résolutoire, le bailleur pourra demander la résiliation en justice devant le tribunal du lieu de situation de l’immeuble sans mise en demeure préalable.  

Quelles sont les autres possibilités de résiliation ? 

Les  parties ont la possibilité de mettre fin au contrat de bail d’un commun accord.  

La résiliation amiable

En dehors des hypothèses évoquées précédemment, la résiliation du bail peut résulter de la volonté commune des parties. Il s’agit de la résiliation amiable. Ce type de résiliation n’est soumis à aucune condition de forme et peut intervenir à tout moment. Cependant, bien qu’elle soit tacite, la jurisprudence exige que la volonté des deux parties soit certaine et non équivoque. (Cass. civ. 3ème, 23 mars 2011).  

Afin que le caractère amiable de l’accord ne soit pas remis en cause par l’une des parties, il est recommandé de le formaliser dans un acte exposant les conditions et les conséquences de la résiliation. 

La résiliation du bail à l’épreuve des procédures collectives   

En procédures collectives, l’entreprise est soumise à un régime dérogatoire qui vient remettre en cause les dispositions relatives au contrat de bail commercial. À cet effet, les conditions de résiliation du bail sont explicitées par l’article L622-14 du Code de commerce.  

L’ouverture de la procédure collective n’entraînant pas la résiliation de plein droit des contrats en cours, il existe deux hypothèses de résiliation.  

La résiliation à l’initiative de l’administrateur ou du liquidateur judiciaire

En procédures collectives la résiliation du bail relève de la compétence de l’administrateur ou du liquidateur judiciaire. Elle prend effet à compter du jour où le bailleur est informé.  À ce titre, il pourra faire une demande de dommages et intérêts qui intégrera le passif de la société. 

La résiliation à l’initiative du bailleur

Les loyers inhérents au contrat de bail subissent un traitement particulier une fois le jugement d’ouverture de la procédure prononcé. En effet, si le preneur ne règle pas les loyers et charges après ce jugement, le bailleur bénéficie d’un droit de résiliation du bail. Cependant, cette résiliation ne pourra être demandée que dans un délai de 3 mois à compter dudit jugement.  

Le bailleur peut aussi bénéficier de la clause résolutoire si elle était acquise avant le jugement d’ouverture. 

Quelles sont les conséquences de la résiliation du bail commercial  ? 

Le preneur est tenu de quitter les lieux après la résiliation du bail. S’il y demeure indûment une procédure d’expulsion peut être initiée par le bailleur et le locataire sera tenu de verser une indemnité d’occupation jusqu’à son départ des lieux.  

Que se passe-t-il si aucune des parties ne résilie le contrat à l’issue du délai  ? 

En l’absence de résiliation du bailleur et du preneur six mois avant le terme du contrat, le preneur peut souhaiter que le bail soit renouvelé. Ce renouvellement prend effet dans les mêmes conditions que celles initialement prévues. Ce droit au renouvellement est d’ordre public et toute clause contraire est réputée non écrite (article L145-15 du Code de commerce), cela n’empêche néanmoins pas le preneur d’y renoncer.  

Enfin, l’article L145-9 du Code de commerce prévoit qu’en l’absence de congé et de renouvellement le bail se prolonge tacitement à moins qu’une clause ne prévoit qu’il s’achève automatiquement à la fin du contrat.  

Pour conclure, quels sont les enjeux autour de la résiliation du bail commercial ? 

De façon globale, le législateur a poursuivi un but de protection des entreprises et donc de préservation de l’économie. D’abord, les avantages de la résiliation telle que prévue dans le cadre d’un bail commercial sont indéniables lorsque l’on effectue une comparaison avec d’autres régimes. À titre d’illustration, le régime du bail précaire ne prévoit pas d’indemnité d’éviction, ni de droit au renouvellement. Le fait que ces éléments ne soient pas prévus est dommageable pour le preneur puisque l’indemnité d’éviction, dont le montant peut être élevé, renforce sa protection. D’autre part, la reconduction du bail dans les conditions initiales évite au preneur d’avoir à mener à nouveau des négociations, sauf en ce qui concerne le montant des loyers.  

Pour autant, le bailleur n’est pas lésé dans ses droits puisqu’il peut activer la clause résolutoire stipulé en sa faveur, ou encore saisir le juge pour faire valoir ses prérogatives.  

Bien que ce régime soit protecteur, il existe cependant un vaste contentieux qui s’articule principalement autour de  l’indemnité d’éviction, et de la mise en œuvre de la clause résolutoire. 

Satou DIEBAKHATE et Mariama TRAORÉ 

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