La condamnation pour fraude fiscale : affaire Wendel

La 32e chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Paris a dû se prononcer le 20 avril 2022 sur la présence ou non d’une fraude fiscale dans l’affaire Wendel. 

Les faits remontent à 2007. L’ancien patron du Medef, Ernest-Antoine Sellière, président de la société d’investissement Wendel, ainsi qu’une quinzaine d’autres dirigeants et cadres, s’étaient répartis, via un montage juridique complexe, un gain total de 315 millions d’euros, sans que cette somme ne soit soumise à l’impôt.  

  • La notion de montage fiscal 

Il n’est pas rare, pour les fonds d’investissements et les grosses sociétés, d’avoir régulièrement recours à des montages juridiques qui frôlent l’illégalité. Dans l’affaire Wendel, les bénéficiaires de cette somme avaient réalisé un montage financier via la réalisation d’emprunts importants auprès de la banque J.P Morgan et la création de sociétés.  

C’est ainsi qu’ils ont collecté plus de 315 millions d’euros. Cette opération visait à profiter d’un régime légal de sursis d’imposition, ce qui a eu pour effet de différer la taxation. Autrement dit, les bénéficiaires de cette fraude ne se sont pas acquittés de l’impôt dû sur les sommes perçues. La perte résultant de ce montage s’élève à plus de 110 millions. 

  • Comment distinguer optimisation fiscale et fraude fiscale ?  

En avril dernier, le Tribunal judiciaire de Paris a été amené à se prononcer sur cette distinction. C’est également, en partie, la raison pour laquelle cette affaire a pris presque quinze années à se clôturer. La limite entre ces deux notions est assez floue. Au même titre que l’abus de droit qui a vu sa qualification faire l’objet de débat dans cette affaire.  

Le délit de fraude fiscale est défini à l’article 1741 du Code Général des Impôts. Cet article s’applique à « quiconque s’est frauduleusement soustrait à l’établissement ou au paiement de l’impôt, ou a tenté de le faire ».  

La fraude fiscale peut être caractérisée dans quatre cas :  

  • En cas d’omission volontaire du dépôt de sa déclaration dans les délais prescrits,  
  • En cas de dissimulation volontaire de sommes sujettes à l’impôt,  
  • En cas d’organisation de son insolvabilité ou de déploiement de manœuvres pour faire obstacle au recouvrement de l’impôt,  
  • Et enfin en cas de tout autre agissement frauduleux. 

Les peines encourues sont de cinq ans d’emprisonnement, et de 500 000 euros d’amende.  

L’optimisation fiscale quant à elle, est un mécanisme qui vise à réduire l’imposition et s’appuie de manière naturelle sur des mécanismes d’évasion fiscale, elle appliquera donc les lois fiscales tout en cherchant celles qui seront les plus adaptées. L’optimisation fiscale permet de réduire l’impôt de façon légale. 

L’abus de droit se définit comme étant le fait de dépasser déraisonnablement l’usage d’un droit. Dans ce cas précis, de détourner la loi de façon habile afin de profiter d’un régime juridique qui empêchait la taxation du bénéfice.  

En résumé, l’optimisation fiscale permet au contribuable de choisir, entre plusieurs règles, la plus avantageuse, alors que l’abus de droit est caractérisé lorsque le contribuable détourne une règle de droit de son objectif. 

Selon Bénédicte de Perthuis, présidente du Tribunal Judiciaire de Paris, la fraude fiscale était bien caractérisée dans ce cas. En effet, les prévenus avaient « commis un abus de droit de façon déterminée », ce qui constituait le « dévoiement d’un dispositif légal ».  

  • La condamnation par le Tribunal judiciaire de Paris 

Alors que le Parquet National Financier (PNF), institution judiciaire qui a pour mission de traquer la délinquance économique et financière, avait requis deux et trois ans de prison ferme pour M. Ernest-Antoine Seillière – président de la société – et M. Jean Bernard Lafonta, ancien président du directoire de la société d’investissement. Le Tribunal Judiciaire de Paris les a punis de respectivement trois et quatre ans de prison avec sursis, et à une amende de 37 500 euros.  

Les autres cadres mis en cause ont été, eux, condamnés à des peines allant de l’amende à l’emprisonnement avec sursis. 

En effet, ces derniers avaient prévu un accord avec le Fisc. En 2010, deux années avant de saisir les autorités judiciaires, le Fisc leur avait notifié un très lourd redressement fiscal. Tous ont donc négocié un accord avec le Trésor de l’État bien avant l’issue du procès.  

  • Chiffres de la lutte contre la fraude fiscale 

Il est bon de rappeler les chiffres de la lutte contre la fraude en 2021, les contribuables ont ainsi été redressé de 13,4 millions d’euros par l’administration fiscale. L’encaissement des contrôles fiscaux, lui, représente 10,7 millions d’euros.  

Pour 2021, l’Administration Fiscale a saisi 4 152 fois l’autorité judiciaire pour des faits relatifs à la fraude et à l’escroquerie fiscale.  

Pour aller plus loin : Les chiffres de la lutte contre la fraude fiscale en 2021.  

Elsa HUET et Manon DAUBY

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