La garantie des droits et libertés

« La liberté, ce bien qui fait jouir des autres biens. »

Montesquieu

Quels sont les outils qui permettent une protection effective des droits et liberté en France ?

La différence entre une liberté et un droit — Les libertés impliqueraient un choix pour les bénéficiaires. Cela exige des tiers qu’ils s’abstiennent. En effet, le droit de l’un va être limité par le droit de l’autre à partir du moment où il y a deux individus. Aussi, les libertés sont plus concrètes que les droits. L’Etat ne donne pas des droits, il reconnait les droits. L’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 énonce une définition de la liberté. La liberté c’est la possibilité de pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui. L’exercice des droits naturels n’a de borne qu’en fonction des autres droits des membres de la société. Ces limites peuvent être déterminées seulement par la Loi.
Il existe une deuxième limitation qui est l’ordre public. Il est possible de parler de la liberté au singulier, c’est le concept abstrait. Mais cette liberté peut se décliner, ce qui la rend concrète. Le terme « liberté » est donc employé au pluriel.
Aussi, la terminologie « les droits à » est qualifiée de droits de créance car il y a une intervention active. La puissance publique va pouvoir agir ou intervenir afin que ce droit puisse se réaliser.
La reconnaissance des droits et libertés peut intervenir par des textes spécifiques comme une déclaration de droit ou encore par des textes constitutionnels classiques dépendant de l’organisation étatique. En France, la reconnaissance des droits est largement inspirée des textes anglais.

Comment les droits et libertés sont-ils protégés ? — Il existe deux techniques qui permettent au juge de protéger les droits et libertés : la justice interne et internationale. Aussi, il existe des moyens non juridictionnels de protection des droits et libertés.

Les moyens juridictionnels. Premièrement, les droits et libertés sont garantis par la justice interne. La consécration de la valeur constitutionnelle du Préambule de la Constitution de 1958 par la décision DC du 16 juillet 1971 dite « liberté d’association ». Jusqu’en 1971, la loi est contrôlée uniquement sur sa formalité et sa procédure. L’intérêt n’est pas porté sur son contenu. Alors qu’en 1971, pour la première fois, il exerce un contrôle de constitutionnalité de la loi sur son contenu. Il existe des recours permettant de protéger les droits et libertés contre les atteintes portées par les autorités ayant une immunité. Cela concerne les autorités qui ne peuvent pas être atteintes par les juridictions ordinaires. En 1958 c’est la fin de la suprématie de la loi, le parlementarisme rationalisé fait son apparition. La loi est soumise au contrôle de la Constitution. En effet, la révision constitutionnelle de 2008 ouvre la saisine aux justiciables par la voie d’exception, le contrôle d’une loi déjà promulguée portant sur les droits et libertés garantis par la Constitution. Cette saisine est assortie de filtre par le Conseil d’Etat et la Cour de cassation.

Par conséquent, le parlement doit prendre en compte les décisions du Conseil Constitutionnel, les parlementaires ont l’obligation d’intégrer ces décisions pour l’élaboration de loi.

Aussi, l’office du juge de droit commun est de garantir l’efficience de ces droits et libertés. Ce sont les pouvoirs qui sont attachés au juge des référés. La construction par les juridictions administratives de la théorie de recours pour excès de pouvoir a permis une avancée importante dans la protection des administrés à l’encontre de l’administration. Aussi, la réforme du référé en 2001 ouvre des perspectives d’un contentieux plus large en matière de défense des droits et libertés. Il existe des référés soumis à la condition de l’urgence, par exemple le référé liberté (prévu à l’art. L 521-2). C’est un recours qui prévient les atteintes aux libertés fondamentales dont une personne morale de droit public aurait porté atteinte.

La complexité en France touche à la dualité des ordres de juridiction, cela peut rendre difficile la protection des droits et libertés. Historiquement, la juridiction judiciaire est qualifié de « chien de garde de l’exécutif ». C’était l’idée selon laquelle il est plus intéressant de défendre ses droits devant la juridiction judiciaire puisque celle-ci est plus rapide dans le rendu du jugement et se montre moins indulgente à l’égard de l’administration. L’article 66 de la Constitution confirme que lorsqu’il s’agit d’une liberté individuelle c’est le juge judiciaire qui est compétent. Par conséquent, la place de la juridiction judiciaire était très importante dans le contentieux de la protection des droits. En réaction, la juridiction administrative s’est réformée afin de permettre une plus grande effectivité dans la protection des droits, afin de conserver son office. La loi du 30 juin 2000 a donc réformé toutes les procédures de référé devant le juge administratif.

Illustration — Le droit à l’habitation est consacré dans le préambule de la Constitution de 1946 alinéa 10 et 11. Progressivement, le droit au logement va se décliner pour reconnaître d’autres droits. Le droit à l’habitat est reconnu comme un droit fondamental par la loi Quillo en 1982. La codification intervient dans la loi MOLLE du 25 mars 2009, article L 345-2-2 du code de l’action sociale et des famille. L’hébergement d’urgence est un devoir de l’État, l’art. L 345-2-1 du code de l’action sociale et des familles confère au représentant de l’Etat un dispositif unique de veille sociale.
Le juge des référés consacre, dans une ordonnance du 16 janvier 2023, M. E. B. et Madame D. C., que l’absence d’hébergement d’urgence peut constituer « une carence caractérisée de la mission confiée à l’Etat ». C’est dans ce cadre que la protection des droits et libertés est effective.

Aussi, la protection est efficace par la mise en place d’une protection juridictionnelle. Il faut une certaine facilité d’accès à la justice, cela est caractérisé par l’instauration du recours effectif devant une juridiction. De plus, l’accès à la justice est justifié par la gratuité du service de la justice, consacrée dans la loi du 30 décembre 1977.

Il faut aussi une indépendance des juges. Les juges doivent être neutres et impartiaux pour que la protection des droits et libertés soit efficiente et garantisse l’exécution des décisions juridictionnelles.

Deuxièmement, le recours à la justice internationale est un moyen protégeant les droits et les libertés. L’exemple des organes juridictionnels européens est un véritable organe juridictionnel avancé qui siège à Strasbourg. Ses décisions sont obligatoires mais n’engagent pas de sanctions c’est à dire qu’elles ne sont pas forcément exécutoires. Cependant, la doctrine propose une conciliation entre la non remise en cause et se conformer aux exigences de la Convention européenne. Aussi, la Cour de justice de l’Union européenne est transformée en organe de protection des droits au sein de l’Union européenne. 

Les moyens non juridictionnels. Il existe aussi des moyens pour sauvegarder les droits et libertés sans passer par le juge. Il s’agit de moyens qui n’aboutissent pas à la création d’une véritable règle de droit destinée à trancher un litige sur la base d’une violation de droit ou liberté. Pour autant, ces procédés se révèlent très efficaces.

Les autorités administratives indépendantes sont des institutions spécialisées dans les libertés publiques lorsqu’elles sont violées ou menacées de l’être. La principale institution dans la matière est : Le Défenseur des droits. Institué par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, l’article 71-1 de Constitution prévoit la mission du défenseur des droits. Il s’agit de veiller au respect des droits et libertés par tout organisme investit d’une mission de service public. Il peut se saisir d’office ou par toute personne s’estimant lésée. Le défenseur des droits préside trois collèges, la défense et promotion des droits de l’enfant, la lutte contre les discriminations et promotion de l’égalité, enfin la déontologie dans le domaine de la sécurité.

Il existe d’autres autorités indépendantes qui ont un rôle essentiel dans la protection des droits. Une convention contre la torture, traitements cruels, inhumains et dégradants est adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies et a conduit à la création d’une nouvelle institution en France : le contrôleur général des lieux de privation de liberté. Le Contrôleur général accomplit sa mission en toute indépendance, en effet il ne reçoit d’instructions d’aucune autorité. Aussi, il ne peut exercer d’autres activités professionnelles, de mandats électifs ou d’emploi public. Dominique SIMONNOT a été nommée contrôleuse en 2020.

La Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), est la plus ancienne des Autorités Administratives indépendantes, instituée par la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. Elle est composée de 18 membres, désignés pour 5 ans. La CNIL a un pouvoir réglementaire (très important) sous le contrôle du Conseil d’Etat d’après un arrêt du 12 mars 1982, CGT.
Sa mission générale de garantie et de contrôle du respect des libertés dans l’utilisation des traitements informatisés contenant des données personnelles. Dans sa version initiale, la loi du 6 janvier 1978 donnait une compétence d’intervention préalable (avant les violations) dans l’ensemble des traitements informatiques. Suite au développement du numérique, elle ne peut plus intervenir en amont. Cette loi a été modifiée pour s’adapter à la massification des données, il s’agit d’une loi d’août 2004 qui va maintenir la nécessité d’une autorisation pour les fichages de données personnelles lorsqu’il fait courir un risque grave d’atteinte aux libertés. Pour les risques les plus graves elle va donner son autorisation à agir en amont.

Marion DUVAL

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