Concilier l’esprit et la culture de la rave avec le cadre légal de l’organisation de rassemblements festifs

Une rave-party, free-party ou simplement rave, peut être définie comme un rassemblement de personnes autour de musique électronique, techno ou tekno, dans un lieu désert ou abandonné.

Étymologiquement, le terme dérive du verbe « to rave » qui désigne en anglais le fait de délirer ou de s’extasier. Le terme est utilisé, au sens d’aujourd’hui, pour la première fois en Angleterre, à Londres, au cours des années 1950 pour désigner des rassemblements sauvages dits bohémiens. Le terme est associé à la musique électronique dès les années 1980, notamment lorsque l’acid house, un sous-genre de musique électronique associé aux raves, commence à être mieux connue auprès du public. Le terme de rave est ensuite généralisé aux rassemblements musicaux organisés sans passer par les procédures prévues à cet effet.

DE LA RÉPRESSION À LA CONCILIATION ENTRE PRÉSERVATION DES LIBERTÉS ET MAINTIEN DE LORDRE PUBLIC

La culture liée à la rave est alors souvent associée à l’illégalité et à la clandestinité. Il est alors possible d’expliquer cela avec une décision du gouvernement Thatcher souhaitant limiter ce genre d’événements. Le principal argument était de lutter contre la forte pollution sonore pouvant être engendrée suite à de tels rassemblements. Plusieurs textes posent alors des bases pour lutter contre la culture grandissante de la rave-party en Grande-Bretagne, dont l’Entertainments Increased Penalties Act de 1990, qui est voté afin d’alourdir les sanctions de certaines infractions relatives à l’octroi de licences pour les locaux utilisés pour la danse, la musique et d’autres types de divertissement du même genre.

Dans un contexte où l’attrait pour ce genre d’événements grandit, notamment chez les plus jeunes, cette politique crée une division. Certains s’y plient, notamment pour des raisons économiques, ce qui aurait pu engendrer dans un sens une institutionnalisation de la rave. L’esprit et le mouvement initiaux subsistent malgré ces changements. Les années 1990 sont alors le témoin de la diffusion de collectifs organisant des rave-parties à travers toute l’Europe, dont la France.

Face à une popularisation rapide de la culture de la rave en France et un traitement médiatique assez important, divers textes viennent réprimer la pratique. Une circulaire du ministère de l’Intérieur et de l’aménagement du territoire parue en 1995 « Les soirées rave : des situations à risque », présente le milieu de la techno comme dangereux, en le décrivant comme un milieu où l’usage et la consommation de stupéfiants sont importants.

Cette circulaire a donc de conséquents effets sur le déroulement des soirées techno de l’époque. La plupart des entrepreneurs du spectacle en règle ayant fait les démarches afin de tenir leurs événements voient leurs soirées annulées. La déclaration menant souvent à l’interdiction, il est alors possible d’observer la multiplication des soirées non déclarées avec la parution de ce texte. Ce dernier peut être considéré comme l’une des raisons de la montée en puissance du phénomène des rave-parties en France.

En 1998, la première édition de la techno parade a lieu à Paris. Cet événement rassemble un nombre très important de personnes dans les rues de la capitale. Le traitement médiatique est différent qu’auparavant. Il est moins hostile quant au milieu. Ce basculement fait naître une certaine acceptation, notamment chez les politiques, qui comprennent alors que le concept des rave-parties n’est pas qu’un effet de mode mais un réel phénomène culturel. Le législateur saisit également cela, et l’on voit apparaître dès décembre 1998 une instruction moins répressive sur le sujet. Elle permet d’encadrer les soirées tout en laissant une marge de manœuvre aux organisateurs de ce genre d’événements.

Cette dernière du 29 décembre 1998 sur les manifestations rave et techno permet aux rave- parties de passer de « situations à risque » à « un simple phénomène de mode tendant à devenir, comme le montre l’actualité, un véritable phénomène de société » du point de vue du gouvernement.

Le but de cette instruction est le même que celui poursuivi par la circulaire de 1995, limiter les événements clandestins. Cependant, au lieu de passer par un système répressif traduit par des annulations d’événements en masse, le ministère de l’Intérieur, cette fois-ci joint avec le ministère de la Défense et le ministère de la Culture et de la Communication, se basent sur la conciliation des libertés avec la sécurité publique.

La circulaire prévoit explicitement que les préfets aient une « attitude dépourvue d’a priori » face aux manifestations rave et techno. Lorsque les organisateurs déclarent leur événement, les préfets doivent agir de façon similaire à la manière dont ils auraient traité une manifestation d’un autre genre musical. Il est également précisé que tout refus quant à la demande d’autorisation de l’organisateur doit être motivé.

LE DROIT POSITIF RELATIF AUX RAVE PARTIES

Le droit quant aux free-parties tel qu’applicable aujourd’hui, résulte d’une modification de la Loi n°95-73 du 21 janvier 1995 d’orientation et de programmation relative à la sécurité, par la Loi n°2011-1062 du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne.

Cette dernière insère un article 23-1 à la loi de 1995, qui cible les rave-parties, décrites comme des « rassemblements exclusivement festifs à caractère musical, organisés par des personnes privées, dans des lieux qui ne sont pas au préalable aménagés à cette fin et répondant à certaines caractéristiques […], tenant à leur importance, à leur mode d’organisation ainsi qu’aux risques susceptibles d’être encourus par les participants ». Ces dernières sont soumises à une « obligation de déclaration ou d’autorisation ». Le texte justifie cette demande par « un souci de protection de la tranquillité et de la santé publiques ».

Le préfet peut adapter les mesures si celles prises par les organisateurs afin de « garantir le bon déroulement du rassemblement » apparaissent « insuffisants », voire « interdire le rassemblement projeté » si l’ordre public est gravement troublé ou si les mesures prises par l’organisateur afin d’assurer le « bon déroulement du rassemblement », après mise en demeure, sont insuffisantes.

Le contenu de cet article est déplacé aux articles L. 211-5 à L. 211-8 du Code de la sécurité intérieure, depuis sa création par une ordonnance du 12 mars 2012.

Aujourd’hui, les raves sont donc soumises à un régime de déclaration. L’arrêté du 3 mai 2002 fixant les conditions de souscription de l’engagement de bonnes pratiques relatif aux rassemblements exclusivement festifs à caractère musical avec diffusion de musique amplifiée, prévu à l’article R. 211-8 du code de la sécurité intérieure, définit les obligations de l’organisateur de l’événement. Ce dernier dispose de quinze jours en amont dudit événement afin d’avertir « l’autorité préfectorale et le maire de la (des) commune(s) sur le territoire de laquelle (desquelles) doit se tenir ce rassemblement ». Cet arrêté prévoit également notamment que l’organisateur fournisse des informations le concernant mais aussi le « nombre prévisible de participants », les « mesures envisagées pour garantir la sécurité, la salubrité, la tranquillité et l’hygiène publiques » ou encore que l’organisateur s’engage à remettre les lieux en état à l’issue du rassemblement. Le renseignement de ces informations permet généralement que l’occupation du lieu se fasse sans trouble à l’ordre public, et que l’événement se déroule dans le respect du droit en vigueur.

Cependant, même si la délivrance de ces autorisations est prévue et encadrée, de nombreux événements se déroulent alors même qu’aucune autorisation n’a été délivrée par l’autorité compétente. Très peu de manifestations de rave parties sont déclarées au préalable. Les organisateurs préfèrent en effet souvent ne pas prévenir le préfet afin d’éviter un refus de sa part et d’éviter ainsi des complications quant à la tenue de l’événement.

Cela n’empêche pas leur tenue, dans certains cas. En effet, selon différents facteurs, tels que le niveau de nuisance pour le voisinage ou encore les mesures envisagées afin de garantir la sécurité et le bon déroulement du rassemblement lieu, le préfet peut décider, devant le fait accompli, de laisser la rave se dérouler ou au contraire mettre fin au rassemblement. Les autorités préfèrent souvent laisser l’événement se terminer afin d’éviter une évacuation forcée, ce qui troublerait davantage l’ordre public. Le régime de déclaration peut être vu comme permettant de donner un faisceau d’indices aux autorités, afin que celles-ci évaluent s’il est nécessaire ou non d’évacuer les lieux.

LES PEINES PRÉVUES POUR AVOIR ORGANISÉ ET/OU PARTICIPÉ À UN ÉVÉNEMENT MUSICAL ILLÉGAL

La chambre criminelle de la Cour de cassation précise le 17 mars 2020 que « seuls les organisateurs encourent les peines prévues pour l’infraction d’organisation sans déclaration préalable d’un rassemblement exclusivement festif à caractère musical ». La peine prévue par l’article R. 211-27 est une amende de 1.500 euros.

Cependant, la participation à une free party peut être considérée comme une infraction si le rassemblement a été interdit par le préfet ou le maire, dans le cas où l’arrêté d’interdiction fait l’objet d’une publicité considérée comme suffisante. L’article R. 610-5 du Code pénal prévoit alors une amende pouvant aller jusqu’à 150 euros pour un tel manquement.

La tenue des rave parties, depuis leur apparition vers la fin du XXème siècle, a évolué et s’est largement popularisée. Un principe demeure cependant au sein des rave parties, l’esprit d’autogestion sans intervention d’une quelconque autorité. Les réglementations ainsi que les sanctions varient selon les époques, mais également selon les États.

Par exemple, en Italie, le gouvernement de Giorgia Meloni, la Première ministre du pays, a promulgué une loi dite « anti-rave » fin 2022. Des militants ont dénoncé les dispositions de cette loi, vues comme portant atteinte à la liberté d’expression et au droit à manifester. Elle visait d’abord à introduire un article 434-bis au Code pénal italien, qui criminalisait les rassemblements de plus de 50 personnes pouvant être perçus comme un danger à l’ordre public. Cette disposition, écrite dans des termes vagues et larges, n’a pas été retenue. Cependant, la loi intègre le 31 décembre 2022 l’article 633-bis au Code pénal, qui requalifie la tenue de rave parties comme une infraction envers le droit à la propriété plutôt qu’à un trouble à l’ordre public. Cela permet à l’article de prévoir un emprisonnement de 3 à 6 ans pour les organisateurs et les personnes faisant la promotion de rave parties ainsi qu’une amende pouvant aller de 1.000 à 10.000 euros.

Certains voient au travers de cette nouvelle disposition, décrite comme répressive selon diverses associations défendant les droits de l’homme et la liberté d’expression, un prétexte pour interdire toute forme de manifestation ou rassemblement non-autorisé.

Pour aller plus loin :

Virgile DARROUZET

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