Un salarié déclaré inapte ne peut être licencié pour un autre motif

Le 8 février 2023, la chambre sociale de la Cour de cassation a jugé qu’un salarié déclaré inapte par le médecin du travail ne peut être licencié pour un autre motif, peu important que l’employeur ait engagé une procédure de licenciement antérieure et pour une autre cause. (Soc. 8 févr. 2023, n° 21-16.258 P).

Par cet arrêt, la Cour de cassation est venu renforcer le régime protecteur des salariés déclarés inaptes par le médecin du travail car le pouvoir de l’employeur est désormais drastiquement circonscrit. Tout licenciement reposant sur un motif autre que l’inaptitude serait irrecevable. Ainsi, l’employeur prend le risque que le licenciement soit déclaré sans cause réelle et sérieuse, voire qu’il soit frappé de nullité. La Cour de cassation souhaite empêcher l’employeur d’échapper à son obligation de reclassement en invoquant un autre motif.

Le régime de l’inaptitude est régi par les articles L. 1226-1 et suivants du Code du travail. Lorsqu’un salarié est déclaré inapte, l’employeur ne peut rompre le contrat que s’il est dans l’impossibilité de proposer au salarié un emploi compatible avec ses capacités, sa formation et les recommandations du médecin du travail et après avis du CSE.
Le contrat peut également être rompu si le salarié refuse les offres de reclassement de l’employeur ou que le médecin du travail mentionne expressément que le reclassement n’est pas envisageable.

La décision de la Cour de cassation se fonde donc sur les articles L. 1226-2 et L. 1226-2-1 du Code du travail qui sont d’ordre public.
Bien que retentissante, cette décision n’est guère nouvelle. En effet dans deux arrêts du 10 mai 2012 et du 20 décembre 2017, la chambre sociale avait déjà jugé qu’à l’issue de la visite médicale de reprise, l’employeur ne pouvait licencier le salarié pour un autre motif.

Ces deux arrêts sont donc antérieurs à la réforme du 8 aout 2016. Auparavant, l’employeur était autorisé à licencier le salarié sans recherche de reclassement quand le médecin du travail estimait que cela était envisageable.
L’employeur n’avait donc aucun intérêt à avoir un comportement déloyal, à ceci près que le licenciement disciplinaire ne donne droit à aucune indemnité (de licenciement) contrairement au licenciement pour inaptitude d’origine non professionnelle.

Cet arrêt de 2023 est certes protecteur pour les salariés mais ne leur confère aucune immunité. En effet, quand la maladie est d’origine non professionnelle, le salarié peut être sanctionné pendant la période de suspension du contrat.
Ainsi, si l’employeur dispose d’assez d’éléments pour licencier le salarié alors il a tout intérêt à engager la procédure avant que la médecine du travail ne diligente la moindre démarche (Soc. 5 déc. 2012, n° 11-17.913). La procédure disciplinaire ne doit dissimuler aucune discrimination fondée sur l’état de santé.

Aliénor LE JARIEL

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