L’entrée au capital d’une Start-up : qui veut être mon associé ?

 Le 8 mars 2023, une présentation de la Silicon Valley Bank alertait les clients et actionnaires du ralentissement financier du secteur technologique. Dans un mouvement de panique, dit de “bank run” les clients de la SVB se précipitent pour retirer leur argent tandis que la banque est forcée de vendre des actions à perte afin de rembourser les retraits.

Le 10 mars, l’agence américaine chargée des dépôts prend le contrôle de la banque.

La Silicon Valley Bank, ancienne 16ème plus grosse banque américaine en termes d’actifs était la banque fétiche des start-up ainsi que des fonds de capital-investissement du secteur de la technologie aux Etats-Unis mais également pour de nombreuses sociétés à travers le monde.

La création d’une start-up se conçoit autour d’une idée qui se veut innovante (to start-up = amorcer, démarrer). Le plus souvent, les entrepreneurs ont besoin, avant toute commercialisation, de procéder à une levée de fonds afin de pouvoir entamer une phase de production et développement qui permettent une commercialisation qui pourrait permettre d’engranger des bénéfices.

  1. Les différents modes de financement de la start-up

La première source de revenus dont bénéficient souvent les entrepreneurs provient de “l’épargne affective de proximité” aussi appelé “love money”. Il s’agit des apports financiers que peuvent faire les proches amis et la famille de l’entrepreneur.

Ces apports ne sont généralement pas réalisés sur la base d’une volonté de prendre part à la vie de la start-up. Ils proviennent généralement des simples liens affectifs qui peuvent unir les financeurs et l’entrepreneur.

            Plus généralement, les start-up peuvent parfois bénéficier de dons ou de subventions diverses comme le crowdfunding, ou les Partenariats Régionaux d’Innovation (PRI)  mis en place par l’Etat.

            Les start-up peuvent également bénéficier d’une entrée en bourse pour financer leurs croissances via l’ouverture de leurs capital par la vente de titres.

Il existe plusieurs marchés financiers permettant la vente de titres:

  • Eurolist le marché principal
  • Euronext Growth pour les PME et société en forte croissance
  • Euronext Access le marché libre pour les jeunes pousses à fort potentiel

Enfin, les start-up, non cotées, peuvent solliciter le financement d’acteurs privés dont l’objectif est ensuite de pouvoir revendre la société ou ses parts en dégageant la meilleure plus-value possible. Ce sont les notions de “private equity” ou “capital-risque”.

  1. Les différentes phases de financement de la start-up

            La première vague d’investissement correspond à celle du capital-risque. La start-up n’a financièrement apporté aucune garantie sur son développement futur, et les sommes apportées doivent être suffisamment conséquentes pour permettre la commercialisation du produit ou service résultant de l’idée innovante.

            Le capital-développement, correspondant à la deuxième vague d’investissement, a pour objectif de financer le développement de la société dont le produit ou service a déjà été commercialisé. Le risque pour l’investisseur est donc moins lourd à supporter, surtout si le produit engrange des revenus exponentiels.

            Le capital-retournement intervient lorsque la société est dans une situation économique compliquée. L’entrepreneur préfère solliciter des investisseurs privés pour refinancer son entreprise et parfois même la sauver.

            Le capital-transmission permet à une entreprise disposant de revenus stables de pouvoir être accompagnée par des fonds d’investissement lors de la transmission de l’entreprise.

  1. Zoom sur l’investissement en capital risque comme première levée de fonds des start-up.

Lever des fonds rapidement, afin de lancer son activité, est une tâche périlleuse pour tout fondateur. Celui-ci, au vu de sa situation financière et du peu de garanties qu’il présente, ne peut donner confiance à des investisseurs, ce qui complique encore plus une éventuelle levée de fonds.

Un mode d’investissement, appelé capital risque, peut-être la solution pour le fondateur d’une start-up.

Un investissement en capital risque (ou venture capital) se définit comme la prise de participation d’un investisseur au sein d’une entreprise innovante à fort potentiel mais présentant un risque financier lié au pari de sa réussite.

Il s’agit généralement de la première levée de fond d’une jeune entreprise, qui s’accompagne d’une première distribution des parts lors de ce qu’on appelle un « premier tour de table ».

Lors de cette opération, le fondateur va pouvoir bénéficier d’un apport capital instantané  afin de réaliser les investissements nécessaires au développement de son activité. De l’autre, l’investisseur va parier sur la perspective d’un accroissement futur de la valeur de la société, et ainsi espérer réaliser une plus-value sur la revente de ces parts, il s’agit de l’enclenchement de la phase 2 du financement, celle des opérations en capital développement. Il est important de préciser que l’investisseur ne réalise par ces opérations, dans le but premier d’obtenir des dividendes, puisque l’ensemble des bénéficies sont immédiatement réinvestis afin d’accroître le poids économique de l’entreprise.

Le fondateur va être l’élément clé de l’opération, c’est généralement autour de lui que l’ensemble se construit. En effet, il est très souvent à l’origine de l’idée puis du développement du projet. Toutefois, il peut être difficile pour un créateur de céder des parts de son entreprise, l’attachement à son entreprise peut être un véritable frein à la bonne gestion de l’entreprise, et à l’entrée de tiers au capital.

Comme nous l’avons précédemment introduit, le fondateur a pu également bénéficier de fonds apportés par ses proches (friends and family). En tant qu’apporteur, et donc associé, ces proches peuvent également avoir des intérêts distincts de ceux du fondateur, ou de l’associé.

Enfin, l’investisseur peut être une personne physique, qui intervient comme gestionnaire de patrimoine, on parlera de business angel, ou à titre professionnel. Il est également possible que celui-ci soit une personne morale, tel qu’un fond d’investissement. On trouve récemment l’apparition de “corporate venture”, il s’agit de société filiale de grand groupe, qui investit dans des opérations de capital-risque auprès d’entreprises innovantes spécialisées dans le secteur de la société mère afin d’optimiser la recherche et le développement.

La réalisation d’une opération de capital risque va nécessiter un consensus entre l’ensemble des acteurs, afin de privilégier une gestion pérenne de l’entreprise, sur le long terme et ainsi concilier les intérêts des différentes acteurs, lors de la phase de négociation puis celle de la contractualisation aboutissant à  l’entrée au capital des tiers-investisseurs.

Pour cela, il existe des instruments et outils juridiques qui vont permettre de concilier les intérêts des acteurs, tout au long de l’entrée au capital de l’investisseur, de la négociation à la finalisation de l’accord .

  • La lettre d’intention ( ou LOI pour Letter Of Intent )

Il s’agit d’un engagement, qui a pour but d’amener deux parties à la conclusion d’un contrat, suite à la poursuite des négociations. Autrement dit, il s’agit du premier document signé entre les parties, qui a pour objectif d’encadrer les négociations. On y retrouve par exemple l’identité de la société cible, ou celle des investisseurs, une fourchette de prix ou encore les points sensibles liés à la confidentialité ou toutes les informations nécessaires à la bonne conduite des informations. Lorsqu’elle intervient au cours des négociations, elle fait peut faire office de bilan sur les points déjà abordés.

Enfin, ce document comporte une partie exclusivité, qui assure à l’investisseur d’être le seul engagé, et ainsi jouer sur sa flexibilité et son consensualisme dans le bon déroulement. Il peut également y être prévu, au sein de ce document, le partage des frais de négociations, tel que les audits par exemple.

Par principe, ce document n’a aucune valeur contractuelle, il ne crée donc aucune obligation à l’encontre des parties, à condition que celle-ci n’insèrent pas délibérément  d’obligation, ce qui aurait pour conséquence de requalifier la LOI en contrat, et ainsi engager leur responsabilité contractuelle.

La rupture des pourparlers, en vertu de l’article 1112 du Code Civil est donc bien libre, sous condition qu’elle se soit achevée de bonne foi, sinon, le lésé pourrait voir son préjudice réparé.

  • L’accord de confidentialité  (ou NDA pour Non Disclosure Agreement )

Lorsque les négociations commencent entre le fondateur et les investisseurs, il est nécessaire que certaines informations soient divulguées, afin de permettre aux investisseurs de le faire dans les meilleures conditions. Toutefois, le fondateur doit être vigilant au sujet d’une fuite d’information qui pourrait nuire à son entreprise, d’autant plus que l’élément clé d’une start-up est souvent une idée ou un concept novateur. L’accord de confidentialité, qui au sens de l’article 1101 du Code Civil, est perçu comme un engagement contractuel protège le fondateur d’une fuite de données confidentielles dans le cadre de négociations n’ayant pas encore abouti sur une contractualisation de cession des parts. Il est important pour le fondateur de délimiter explicitement les informations couvertes contractuellement par la confidentialité, mais également les personnes contraintes par un engagement, ainsi que la durée et les connaissances déjà acquises par le fondateur. Cela, dans le but d’éviter, une fuite de d’information, non couverte par l’accord, qui aurait pour conséquence de ne pas entraîner la réparation du préjudice subi par l’entreprise du fondateur.

  • La finalisation de l’accord par le biais du protocole d’investissement

Il s’agit du document qui engage irrévocablement les parties à la participation au capital, il a pour objectif de concrétiser les modalités pratiques de la prise de participation. On y retrouve, le calendrier précis de la prise de participation, ce qu’on appelle précisément la table de capitalisation, le montant de l’apport et ainsi que le mode de financement.
Au-delà de ses informations formelles, il peut également être prévu au sein du document, des conditions suspensives, qui en cas de réalisation d’un événement, peuvent conduire à suspendre les effets du protocole, par exemple le cas de la clause MAC[1] en fonction d’un événement de force majeur, ou encore en fonction des résultats des différents audits réalisés sur la situation fiscale, comptable, humaine de la société.

Une clause de garantie de passif peut également y être insérée, afin de garantir l’intégrité des résultats déclarés mais également assurer l’acquéreur contre des événements qui surviendraient postérieurement à la cession mais dont le fait générateur serait antérieur.

Ainsi, sauf réalisation d’un événement liée à une condition suspensive, le protocole d’accord aboutit à l’entrée au capital de l’investisseur, la dernière étape va être d’assurer la bonne entente entre les nouveaux associés au sein de la société, c’est l’objectif du pacte d’associé[2].

L’investissement par capital risque, de par sa forme, peut se révéler être un véritable pari économique puisque les certitudes y sont moindres. Il est important pour chacun des acteurs qui s’y engage de la faire avec prudence et rigueur, afin d’éviter une désunion entraînant un désarroi pour les associés, ce qui signifierait la fin d’un beau projet. C’est là que trouve sa place le Droit, en délimitant les règles de la négociation jusqu’à l’entrée au capital des investisseurs et ainsi permettre au petit poulain que représente une jeune start-up de se transformer en véritable licorne[3].

Pour aller plus loin : La clause MAC dans les opérations de M&A post Covid-19 : application et conseils de rédaction – LE MONDE DU DROIT


[1] La clause MAC pour (material adverse change) est une clause qui permet à un futur acquéreur de se prémunir contre un risque qui interviendrait au cours de la réalisation de l’opération après l’accord

[2] Le pacte d’associé a pour mission d’assurer la pérennité de l’entreprise, tout en organisant les relations entre actionnaires. Il s’agit d’un document contractuel, supplétif des statuts de la société. Le pacte d’associé ne rentre pas dans le thème évoqué aujourd’hui mais il fera l’objet d’une étude plus approfondie dans l’un de nos prochains sujets

[3] terme en économie qui désigne une entreprise innovante non cotée en bourse dont la valorisation dépasse 1 milliard de dollars.

Enzo BERTHELIN et Gabin CORVAISIER

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