Par une décision QPC n° 2022-1029 rendue le 9 décembre 2022, le Conseil constitutionnel a déclaré conforme au droit de propriété les articles L 227-16 et L 227-19 du Code de commerce régissant les clauses d’exclusion dans les sociétés par actions simplifiées.
L’article L 227-16 du Code de commerce énonce que « dans les conditions qu’ils déterminent, les statuts peuvent prévoir qu’un associé peut être tenu de céder ses actions ». Force est d’admettre qu’il peut s’avérer nécessaire à la survie d’une société d’écarter un associé. C’est à cette fin que le Code de commerce reconnait aux associés le droit d’exclure l’un des leurs à titre de sanction.
Bien que la clause d’exclusion puisse apparaitre comme nécessaire, une telle disposition peut également s’avérer dommageable. En effet, l’exclusion se traduisant par une cession forcée des actions détenues par l’associé exclu, il est dès lors fondamental que ladite clause satisfasse des exigences légales et statutaires précisément définies.
- Les conditions de validité de la clause d’exclusion
La souplesse de fonctionnement caractéristique de la SAS se retrouve sans conteste dans les conditions d’établissement de la clause d’exclusion. Conséquemment, les associés fixent librement les dispositions qu’ils souhaitent appliquer à la clause. Nonobstant les exigences légales de clarté, de précision et de transparence, la rédaction est libre et se fera en conformité avec les statuts de la société.
La clause d’exclusion peut comporter cumulativement des cas légaux et conventionnels d’exclusion. Les cas d’exclusion conventionnels ne doivent pas être abusifs, ils doivent être précis et toujours définis à l’avance. Découle de ces exigences, la nécessité de prévoir dans les statuts l’organe compétent pour apprécier la survenance de ces cas d’éviction et statuer sur la décision d’exclusion.
Enfin, il est nécessaire de rappeler que la clause a pour ambition de forcer la cessation des actions détenues par l’associé concerné. Il est dès lors fondamental pour les associés d’anticiper dans les statuts les modalités de rachat des droits sociaux.
2. La procédure d’exclusion
Une brève analyse statutaire démontre que pour la majorité des sociétés par actions simplifiées françaises deux procédures sont fréquemment utilisées pour l’exclusion d’un associé.
Tout d’abord, il est communément admis que la décision d’éviction soit prise par la collectivité des associés réunie au cours d’une assemblée générale. Il est d’usage que le dirigeant social ou le président en exercice de la SAS convoque personnellement chaque associé afin d’assurer une information efficiente.
Ensuite, il est également périodiquement admis d’attribuer le pouvoir d’exclusion à un organe de la société ou encore à une commission dont la composition est précisée dans les statuts.
Une fois la décision adoptée par l’une ou l’autre de ces procédures, l’associé concerné est contraint de céder les actions qu’il détient dans le capital de la société et est invité à s’écarter de l’actionnariat. Le rachat des parts de l’associé déchu peut se faire au profit d’un ou plusieurs autres associés, d’un tiers ou encore de la société. Toutefois, si le rachat se fait au profit de la société, celle-ci est légalement tenue de céder ou d’annuler dans un délai de 6 mois les actions acquises par une procédure d’exclusion.
3. Sanction et contestation
L’article L 227-16 énonce en son alinéa second que « les statuts peuvent également prévoir la suspension des droits non pécuniaires de cet associé tant que celui-ci n’a pas procédé à cette cession ». Sont visés par l’article L 227-16 le droit à l’information et le droit de vote de l’associé concerné. De surcroit, et par dérogation à l’article 1844 du Code civil, le droit de participer aux décisions collectives peut également être suspendu.
Toujours est-il que l’associé exclu peut annihiler la décision s’il prouve que la clause d’exclusion est mal rédigée ou qu’elle est non conforme. La juridiction saisie pourra faire réintégrer l’associé expulsé et lui accorder des dommages-intérêts. L’exclusion peut également être discutée sur le fondement de l’abus de majorité. Pour ce faire, l’associé devra démontrer que la décision est contraire à l’intérêt social ou qu’elle est prise dans l’unique but de favoriser les associés majoritaires au détriment des associés minoritaires.
4. La validation par le Conseil constitutionnel
Le Conseil constitutionnel a été saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur la conformité de la clause d’exclusion aux articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen portant sur le droit de propriété.
Pour rappel, l’article 2 présente le droit de propriété comme étant un des droits naturels et imprescriptibles de l’Homme. L’article 17 ajoute que « la propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité ».
Dans la mesure où les titres sociaux constituent des titres de propriété, il est légitime et pertinent de se demander si la cession forcée n’est pas une atteinte au droit de propriété constitutionnellement protégé. Le Conseil constitutionnel a finalement décidé que dans la mesure où elle assure le maintien de l’activité et la cohésion de l’actionnariat, la clause d’exclusion poursuit un objectif d’intérêt général.
De ce fait, aussi longtemps que la procédure est prévue dans les statuts, que l’exclusion entraine le rachat des actions et que la décision d’exclusion peut être contestée par l’intéressé, la clause d’exclusion ne porte pas d’atteinte disproportionnée au droit de propriété.
Hugo RIOULT et Fadwa SAIDI