L’impôt sur le revenu fut instauré en France par la Loi de finance du 15 juillet 1914 afin de faire face aux dépenses générées par la guerre. Il représente la deuxième source de revenu de l’Etat avec des recettes s’élevant à 72,55 milliards d’euros, après la taxe sur la valeur ajoutée (155 milliards).
L’imposition repose sur un principe d’égalité des citoyens. La direction générale des finances publiques s’assure par le biais de contrôles fiscaux, du respect de ce principe fondamental. Cependant, certains contribuables, par le biais de montage, ou d’omission volontaire de déclaration essayent de frauder l’imposition dont ils sont redevables…
L’article 1741 du CGI définit la fraude fiscale comme « une infraction à la loi commise dans le but d’échapper à l’imposition ou bien d’en réduire le montant ».
Elle se constate par un détournement « illégal » du système fiscal afin de ne pas contribuer, ou bien de réduire le montant de leur imposition relative aux contributions publiques.
Par contraste à la fraude fiscale, l’optimisation fiscale correspond à une utilisation de moyens légaux afin de réduire le montant de l’imposition, c’est-à-dire lorsque le contribuable exploite des dispositions de la loi afin d’optimiser au mieux son imposition. Toutefois certaines limites sont posées afin que le contribuable ne recourt à ce type de montage que dans un seul et unique but : minorer son imposition (cf abus de droit).
Cependant, l’infraction de fraude fiscale est élevée, c’est pour cela que les pouvoirs publics ont mis en œuvre des moyens de plus en plus efficaces afin de lutter contre ces infractions.
Il convient d’énoncer dans cette veille juridique, les différents organismes français de lutte contre la fraude fiscale, puis les dispositifs de prévention mis en place et enfin les nouvelles mesures instaurées afin de réduire la fraude fiscale.
I. les organismes de lutte contre la fraude fiscale
A. Le traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins
TRACFIN est un organisme de lutte contre le blanchiment qui a pour mission d’analyser et exploiter les informations qui serviront de base pour le parquet. Il a été créé par la loi n°90-614 du 12 juillet 1990 et oblige les professionnels tels que les banques à rester vigilantes sur les opérations qui les entourent. Les personnes soumises à l’obligation de déclaration à TRACFIN doivent déclarer un agissement dès lors qu’elles soupçonnent que certaines opérations ou sommes d’argent proviennent de la fraude fiscale comme l’énonce l’article 561-15 CMF.
Il existe trois niveaux de vigilance :
- La vigilance allégée si le risque est faible
- La vigilance normale
- La vigilance renforcée nécessitant de mesures complémentaires de vigilance
B. La brigade nationale de répression de la délinquance fiscale
Cette brigade est un organisme qui effectue des enquêtes judiciaires sur commission rogatoire du juge d’instruction ou réquisition du procureur en matière de délit de fraude fiscale (articles 1741 et 1743 du CGI). Une autre police fiscale a vu le jour suite au décret n°2019-460 du 19 mai 2019, il s’agit du service d’enquête judiciaire des finances qui est affilié au directeur général des douanes et droits indirects. La mise en place de ces organes témoigne d’une coopération entre les services de polices judiciaires et l’administration fiscale afin d’enquêter sur la fraude fiscale.
C. La commission des infractions fiscales
Cette commission est définie par l’article L228 II du livre des procédures fiscales. Elle consiste à rendre des avis suite à une plainte déposée par l’administration fiscale envers un contribuable ayant commis des infractions pénales en matière d’impôt. Cette commission est aussi compétente dans les cas où l’administration fiscale souhaite rendre publiques des sanctions administratives comme l’énonce l’article 1729 A du CGI.
II. Les différents dispositifs de préventions
Pour que la lutte contre la fraude fiscale soit efficace il faut nécessairement mettre en place des dispositifs de préventions mais aussi développer de nouvelles techniques de contrôle.
Tout d’abord, des dispositifs de préventions ont été mis en place afin de palier à la complexité du droit fiscal pour les contribuables et les informer sur les conséquences encourues en cas d’infraction fiscale.
Les notices pédagogiques sont mises en place pour faire face à des points épineux, comme pour les Crédits d’Impôts sur l’Innovation (CII) ou la Recherche (CIR). Le dossier justificatif du CIR par exemple, permet à l’entreprise d’avoir une structure de rédaction pour ses déclarations en recherche et développement.
Ensuite, l’administration fiscale a mis en place certaines obligations à la charge du contribuable afin de prévenir les cas de fraude fiscale. Le contribuable se voit dans l’obligation de déclarer ses capitaux de transfert, les comptes ouverts et se voit interdire le paiement de certaines créances en espèce ou monnaie électronique. De plus les personnes assujetties à la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA) utilisant un système de caisse, sont dans l’obligation d’utiliser un logiciel respectant les principes de sécurisation, conservation, inaltérabilité, archivage des données.
Enfin il existe aussi, pour les contribuables la possibilité d’interroger l’administration fiscale sur tel ou tel montage qu’ils envisagent de faire. Ce mécanisme s’opère par la voie de rescrits. En premier lieu le contribuable va soumettre son projet à l’administration fiscale afin qu’elle se positionne sur sa validité. Cette dernière dispose d’un délai de trois mois pour donner sa réponse, tout en sachant que le silence vaut acceptation. Dès lors, le contribuable peut se retrouver face à deux situations :
- Soit l’administration valide le montage : c’est une prise de position formelle et aucune remise en cause ne sera par la suite possible (sauf si le contribuable réalise un montage différent que celui soumis au rescrit)
- Soit l’administration ne le valide pas : dans ce cas le contribuable peut soit réaliser tout de même le montage et s’expose ainsi à un risque de redressement, soit de renoncer à son projet.
III. Les nouvelles mesures mises en place afin de mener une lutte de plus en plus efficace contre la fraude.
Pour faire face à des montages financiers de plus en plus complexes et limiter la fraude fiscale, l’administration fiscale doit sans cesse s’adapter, c’est pourquoi elle doit recourir à de nouveaux types de contrôles pour être en adéquation avec l’époque actuelle.
La loi de finances pour 2020 offre une nouvelle technique de recherche pour l’administration fiscale. Celle-ci aura le droit pendant trois ans (durée de l’expérimentation) de collecter et d’exploiter des informations qui sont librement accessibles sur les réseaux sociaux ainsi que sur les plateformes numériques. Ce dispositif est dès lors très critiqué car pour certains il porterait atteinte à la vie privée des contribuables comme a pu l’énoncer la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL). Pour d’autres, comme Gérald Darmanin, il ne s’agit juste d’un dispositif permettant de palier certaines limites qu’avait l’administration dans certains de ces contrôles comme avec les locations Airbnb.
En plus du système interne, un système international existe également, la France coopère avec d’autres Etats. Ce système de coopération repose sur un échange d’informations, et une assistance internationale par le biais d’échange entre les états.
A titre d’exemple, en 2019, pour lutter contre l’évasion fiscale, 97 pays se sont échangés des renseignements sur 84 millions de comptes totalisant 10 000 milliards d’euros.
Alors que le montant de la fraude fiscale en France en 2019 est évalué entre 80 et 100 milliards d’euros, nous pouvons tout de même constater que les contrôles sont de mieux en mieux ciblés et efficaces. La fin du secret bancaire avec des pays comme la Suisse a permis de freiner les évasions fiscales réalisées par des redevables, et par conséquent a permis d’augmenter les recettes de l’Etat français.
Toujours dans un objectif de lutte contre la fraude fiscale, près de 54 000 opérations de contrôles ont été menées en 2019, permettant ainsi de rapporter 9 milliards d’euros.
Dylan Rahmoune et Tiphaine Béard