Fiscalité des revenus tirés de la vente d’objets d’occasion en ligne

“En ce monde rien n’est certain, à part la mort et les impôts.”

  Benjamin FRANKLIN, homme politique américain du XVIIIème siècle

Ce n’est pas une surprise : la France est une championne de l’impôt ! En effet, notre pays impose tout ce qu’il est possible d’imposer. Les articles 1a et 12 du Code Général des Impôts en témoignent : les particuliers font l’objet d’un impôt annuel unique sur leur revenu net global. Ainsi, tous les revenus du contribuable sont pris en compte, indépendamment de leur origine (salaires, revenus fonciers,…).

Les nouvelles technologies ne cessent de se développer et avec elles, de nouvelles pratiques. Parmi elles, les opérations réalisées sur les sites de vente en ligne se sont vulgarisées. Selon Médiamétrie et la Fevad, Vinted, le spécialiste de la vente de vêtements d’occasion, s’est hissé à la 4ème place des sites de e-commerce les plus visités en France au 4èmetrimestre 2020, derrière Amazon, Cdiscount et la Fnac.

Par conséquent, de nouvelles règles juridiques ont été créées afin d’encadrer ces nouvelles activités. Les revenus tirés des opérations de ventes en ligne sont-ils fiscalisés ?

I. Principe

A. La distinction entre un particulier, un professionnel et un quasi-professionnel 

Il est logique de trouver un moyen de distinguer ces trois types de personnes s’adressant au même genre d’activité. En effet, le régime d’imposition est différent selon la qualification de l’activité (activité commerciale ou actes de ventes des particuliers). En principe, les particuliers sont exonérés d’impôt sur les ventes d’objets d’occasion en ligne. En revanche, lorsque celles-ci résultent d’une activité professionnelle : elle est soumise à une imposition.

Des critères de distinction (faisceau d’indices) ont été établis en 2005 afin de répondre à cet enjeu crucial (sans seuil fixé) :

  • fréquence et nombre des opérations (caractère habituel),
  • sommes en jeu,
  • durée de détention des objets, 
  • poursuite d’un but lucratif (biens acquis avec la volonté de les revendre ou non).

L’administration apprécie les situations au cas par cas et peut opérer une requalification. Il existe un contentieux nourri à ce sujet.

Par exemple :

Tribunal d’instance, 2ème arrondissement de Paris, jugement du 7 septembre 2015 : en vendant 80 produits high-tech sur 3 ans, un homme percevait un revenu de 222 € par mois, « nonobstant l’importance de cette somme qui, en tout état de cause, ne saurait être considérée comme négligeable, caractérise bien l’existence d’un profit pécuniaire incontestable. Il résulte des éléments ci-dessus exposés que les actes réalisés sur le site internet de la société Priceminister doivent être considérés comme des actes de commerce. »

Cour de cassation, Civ 2eme, 12 février 2015, n° 14-10994, 14-10995, 14-10996, 14-10997 : l’exercice régulier et personnel d’une activité à des fins lucratives est considéré comme une activité professionnelle emportant obligation d’affiliation, y compris lorsque l’activité est exercée à titre accessoire.

B. Les obligations des plateformes en ligne vis-à-vis de l’administration fiscale et des utilisateurs

Dans la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, l’article 14 a définit la notion de commerce électronique comme étant “l’activité économique par laquelle une personne propose ou assure à distance et par voie électronique la fourniture de biens ou de services.” Cela conduit toute personne ayant cette activité y compris les plateformes en ligne à assurer un respect des données des acheteurs en ligne quant aux données collectées, au stockage de leurs informations…

Néanmoins, à ce respect du droit à la vie privée, l’administration fiscale a mis en place des obligations fiscales vis-à-vis des opérateurs de plateforme en ligne dans la loi n°2018-898 du 23 octobre 2018. En effet, depuis l’entrée en vigueur de cette loi, les obligations des plateformes en ligne ont bien évolué et prévoient des obligations annuelles et spontanées prévues à l’article 242 bis du CGI. Leurs obligations sont les suivantes : 

  • Transmettre à chaque transaction : un lien électronique vers les sites des administrations afin que les personnes connaissent leurs obligations.

“une information loyale, claire et transparente sur les obligations fiscales et sociales qui incombent aux personnes qui réalisent des transactions commerciales par son intermédiaire.”

  • Adresser annuellement aux utilisateurs des plateformes et à l’administration fiscale : 

“a) Les éléments d’identification de l’opérateur de la plateforme concerné ;

b) Les éléments d’identification de l’utilisateur ;

c) Le statut de particulier ou de professionnel indiqué par l’utilisateur de la plateforme ;

d) Le nombre et le montant total brut des transactions réalisées par l’utilisateur au cours de l’année civile précédente ;

e) Si elles sont connues de l’opérateur, les coordonnées du compte bancaire sur lequel les revenus sont versés ;”

Néanmoins, cette transmission d’information peut être dispensée dans le cas où le montant annuel des ventes ayant eu lieu sur les plateformes en ligne ne dépasse pas le seuil annuel par utilisateur fixé par arrêté des ministres chargés du budget et de la sécurité sociale.

II. Actualité : les nouvelles obligations de déclaration

A. L’application des nouvelles modalités

Depuis le 1er janvier 2019, une obligation des plateformes en ligne a conduit à faciliter la transmission des montants de ventes en ligne et une imposition de ces revenus pour les particuliers grâce à l’article 24 de la loi de finances rectificative pour 2016 n°2016-1918. Une loi n° 2018-898 contre la fraude du 23 octobre 2018 est venue renforcer cette volonté (applicable au 31 janvier 2021).

Par conséquent, en cette période fiscale, tout contribuable ayant réalisé des ventes en ligne d’un montant annuel supérieur à 3 000 € devra les déclarer dans sa déclaration de revenu ainsi que le montant annuel des transactions effectuées dès que celui-ci excède le nombre de 20 opérations. Ainsi pour les individus qui déclarent leurs revenus en ligne, celui-ci sera automatiquement pré-rempli sur leur déclaration. Néanmoins, nous vous conseillons de vérifier le montant avant de finaliser votre déclaration.

La déclaration de ce montant n’induit pas nécessairement une imposition. En effet, il n’y a pas de corrélation entre la déclaration de ces montants et l’imposition.

Concernant la cession de biens meubles corporels et créatrice d’une plus-value, celle-ci est considérée comme un caractère de particulier quand son montant par cession excède 5 000 €, article 150 UA du CGI (imposable au taux de 19%, formulaire 2048 M). Néanmoins, les objets d’art, de collection ou d’antiquité ne pourront appliquer cette exonération (déclarés via l’imprimé 2091).

B. Un regard critique

Il est intéressant de s’interroger sur plusieurs questions.

Pour échapper à la qualification d’activité commerciale occulte, le contribuable doit être en mesure de prouver qu’il n’a pas acquis les biens dans le but de les revendre : en pratique, cela est difficile à faire concernant des biens d’occasion. Une difficulté réside donc dans la preuve de l’absence de commerce de biens d’occasion.

Quel est le poids des critères du faisceau d’indices ? L’intention de revendre est-elle plus importante que la durée de détention ?

De plus, est-ce-que le fait de vendre des biens d’occasion pour 5 000 euros tout juste chaque année, ne qualifie pas une intention de revendre et ainsi, une activité quasi-professionnelle ?

Enfin, garder les justificatifs d’achats et une traçabilité de chaque transaction représente une réelle contrainte pour les utilisateurs de ses plateformes.

En outre, les futures décisions judiciaires permettront d’apporter des précisions à toutes ses questions.

En conclusion, tout l’enjeu de la matière concerne l’écologie : il est important d’instaurer une législation incitative tant l’impact de la “seconde-main” est bénéfique pour la planète mais juste, afin d’éviter le cas de professionnels dissimulés derrière le profil de particuliers.

Le pari réside dans un système fiscal adapté, actuel et une sécurité fiscale assurée.

La fluidité des échanges européens et internationaux reste également une problématique majeure dans l’efficacité du rôle des services fiscaux.

Il est tout de même évident que la nouvelle obligation de transmission des revenus par les plateformes évitera une part de fraude et par conséquent, de contentieux.

Pour une étude aboutie sur le sujet, nous vous invitons à lire le livre intitulé “Fiscalité 2.0, Fiscalité du numérique”, 2ème édition, écrit par Le Professeur Frédéric DOUET et publié chez LexisNexis.

Maud HELLEC et Alexène VOGT

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