Le 26 octobre 2021, l’Assemblée nationale a adopté en première lecture le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2022. Le projet de loi sera examiné en séance publique par les sénateurs à partir du 8 novembre 2021.
Mais qu’est-ce que la LFSS ? (Loi de financement de la sécurité sociale)
Créée par une révision de la Constitution de 22 février 1996, elle vise à maitriser les dépenses sociales et celles de santé. Le but est de fixer un objectif pour l’année suivante et de de valider rétrospectivement la comptabilité de l’année précédente. Les LFSS n’ont pas de portée budgétaire, ce sont des lois de financement.
Pour rappel, la LFSS est votée par le Parlement tous les ans en même temps que la loi de finances déterminant le budget de l’état.
A l’aube de l’examen du PLFSS 2022 revenons brièvement sur quelques unes de ses mesures (I) avant d’évoquer plus en profondeur les mesures phares (II).
Le PLFSS pour 2022 prévoit plusieurs mesures importantes parmi lesquelles :
- La contraception gratuite pour les femmes de moins de 25 ans : l’assurance maladie prendra en charge à 100% et sans avance de frais le coût de la contraception et les actes qui y sont liés.
- L’accès facilité à la complémentaire santé solidaire dite aussi CSS : attribuée automatiquement aux bénéficiaires du RSA sans aucune démarche, sauf opposition express de ces derniers.
- La simplification des démarches des bénéficiaires de l’allocation de solidarité aux personnes âgées.
- Le renforcement du service public des pensions alimentaires : dans une logique de prévention et de lutte contre les pensions alimentaire non payées.
- Toutes les pensions, sauf refus des parents, seront versées par l’intermédiaire de l’Agence de recouvrement et d’intermédiation des pensions alimentaires (ARIPA) :
- L’application dès le 1er mars 2022 pour les divorces ayant lieu devant la justice et fixant une pension alimentaire. Et au 1erjanvier 2023 pour les autres types de décisions de justice concernant une pension alimentaire + divorce par consentement mutuel.
- Le versement en temps réel du crédit d’impôt et des aides sociales liées aux services à la personne : les contribuables pourront percevoir immédiatement les aides et crédits d’impôts dont ils bénéficient pour les coûts liés aux services à la personne.
- L’accès aux soins visuels facilité : les orthoptistes pourront réaliser des bilans visuels simples et prescrire des lunettes et lentilles de contact pour les corrections faibles, et ce, sans prescription.
- Amélioration de la coordination du parcours de soins avec la généralisation de la prise en charge du diabète de grossesse par télésurveillance et de l’expérimentation de la prévention de l’obésité infantile pour les enfants de 3 à 12 ans. L’objet étant d’éviter la constitution d’une obésité persistance et pouvant entrainer des complications métaboliques.
- La prise en charge de la télésurveillance par l’assurance maladie : permet à un professionnel de santé d’interpréter à distance les données nécessaires au suivi médical d’un patient et, le cas échéant, de prendre des décisions pour la prise en charge de ce patient. Cette généralisation pourrait permettre d’améliorer le suivi des malades chroniques en réduisant notamment leurs déplacements.
- Favoriser le maintien à domicile des personnes âgées en perte d’autonomie : avec la revalorisation des salaires des employés des services d’accompagnement à domicile, la mise en place d’un tarif plancher de 22 euros pour les services de soins infirmiers à domicile ainsi qu’un renforcement du personnel présent en EHPAD.
Les principaux changements envisagés dans le PLFSS pour 2022.
L’extension de la retraite progressive aux forfaits jours
La retraite progressive est un mécanisme qui consiste à diminuer progressivement son temps de travail tout en percevant une partie de sa pension rentraite. On continue tout de même à cotiser et cumuler des droits et des trimestres pour la retraite.
Le PLFSS 2022 ouvre ce dispositif aux salariés bénéficiaires d’une convention de forfaits jours ou de forfait heures et aux mandataires sociaux. Jusqu’à lors, ce dispositif était ouvert uniquement aux salariés à temps partiel et le conseil constitutionnel, dans une décision du 26 février 2021, a considéré que cela constituait une inégalité devant la loi par rapport au droit à la retraite progressive.
L’accès facilité à la complémentaire santé solidaire
Les bénéficiaires du RSA (revenu de solidarité active et les bénéficiaires de l’ASPA (allocation de solidarité aux personnes âgées) bénéficieront automatiquement de la complémentaire santé solidaire.
En pratique, suite à une demande de RSA ou d’ASPA, une demande d’affiliation à la complémentaire santé sera générée automatiquement sans qu’il n’y ait besoin de démarches supplémentaires.
L’objectif de cet accès facilité est d’augmenter le nombre de bénéficiaires couverts par la complémentaire santé solidaire. Plus précisément, en 2025 il devrait y avoir 95% des bénéficiaires du RSA et 75% des bénéficiaires de l’ASPA couverts par la complémentaire santé solidaire.
La poursuite de l’unification du recouvrement social
Depuis la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020, on cherche à unifier le recouvrement dans la sphère sociale autour du réseau des URSSAF. La Loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 viendra prolonger cette unification.
Pour cela, on va unifier notamment le recouvrement des cotisations des travailleurs indépendants en intégrant le RSI (régime social des indépendants) au sein du régime général.
L’amélioration de la protection sociale des indépendants
Le PLFSS 2022 prévoit toute une série de mesures ayant pour objet d’améliorer la protection sociale des travailleurs indépendants. Ces mesures sont issues du plan « Griset », présenté par le gouvernement le 16 septembre dernier.
1) On va préserver les droits à la retraite des indépendants qui ont été le plus impactés durant la crise sanitaire. Cela concerne les professionnels du tourisme, de l’évènementiel, de la culture, de l’hôtellerie, du sport et de la restauration notamment, ainsi que les entreprises qui ont été fermées administrativement.
2) On va simplifier le calcul, le paiement et le recouvrement des cotisations sociales. Pour cela, il sera expérimenté la modulation en temps réel des cotisations. Également, pour les micro-entrepreneurs, les modalités de recouvrement vont être simplifiées.
3) On va moderniser le statut de conjoint collaborateur. Désormais, ce statut particulier sera ouvert au concubin du chef d’entreprise alors qu’il n’était ouvert, jusqu’à présent, qu’au partenaire pacsé.
Ce statut de conjoint collaborateur sera limité à 5 ans afin délimiter une éventuelle situation de dépendance du conjoint à l’égard du chef d’entreprise.
4) On va neutraliser les effets de la crise sur l’assiette de calcul des droits aux indemnités journalières en cas de forte baisse de revenu. Par exemple, pour les arrêts de travail ou les congés maternité qui débuteront en 2022, le montant d’indemnité retenu sera le plus favorable entre celui qui exclut les revenus de 2020 et celui qui les inclut. Les revenus 2020 des indépendants qui ont pu subir une forte baisse ne seront alors pas pris en compte pour le calcul.
5) On va ouvrir des dispositifs de rachats de trimestres de retraites à certaines professions libérales telles que les ostéopathes ou les naturopathes. En effet, ces professions n’ont pas été affiliées à une caisse de retraite pendant plusieurs années car leur profession n’était pas reconnue légalement.
La création d’un nouvel outil de pilotage pour la branche autonomie :
La branche autonomie est une nouvelle branche de la sécurité sociale donc l’avant-projet de la LFSS mise beaucoup dessus notamment en voulant créer un système d’information national qui va permettre :
- D’harmoniser la gestion de cette branche ;
- De mettre en place une égalité de traitement entre demandeurs, bénéficiaires et aidants de l’allocation personnalisé d’autonomie (= sert à payer les dépenses pour rester au domicile ou payer une partie du tarif de l’établissement médio social qui héberge la personne) ;
- Faciliter les échanges avec la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (= contribue au financement de l’aide à l’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées).
Au total, 400 millions d’euros devraient être investis pour cette nouvelle branche.
Le versement en temps réel du crédit d’impôt et des aides sociales aux services à la personne :
En pratique, dès qu’un particulier paye son salarié ou le prestataire, le montant sera automatiquement réduit à hauteur des aides et crédit d’impôts.
Ce dispositif devrait se faire progressivement :
- Dès janvier/ avril 2022 pour les services rendus à domicile ;
- Dès 2023 pour les services rendus aux personnes âgés et handicapées ;
- Dès 2024 pour les services de garde d’enfants.
Il convient de remarquer que suite à la crise du Covid-19, les dépenses sociales ont été affectées et vont connaître une trajectoire fragilisée pour les années à venir.
Il y a eu un soutien financier massif en 2020 et 2021 pour cette crise.
En 2020, 18,3 milliards d’euros de dépenses exceptionnelles ont été engagées par l’assurance maladie et en 2021 14,8 milliards d’euros.
Il y a eu un surcoût lié à la crise sanitaire dans l’ONDAM (objectif national des dépenses d’assurances maladie).
En 2022, 4,9 milliards d’euros ont été intégré à l’ONDAM.
Le PLFSS 2022 marque la poursuite du déploiement du grand plan de relance de l’investissement en santé, avec plus de 2 milliards d’euros qui seront consacrés au soutien national à l’investissement en santé au sein de l’ONDAM.
À partir du 9 novembre 2021, le projet de loi de financement de la sécurité sociale sera étudié en séance plénière au Sénat. Sa promulgation est attendue avant le 31 décembre 2021.
Pour aller plus loin : Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022, transmis au Sénat.
Hélène CHASSEIGNE et Romane ROYER