L’imposition des revenus des créateurs de contenus

La France rassemble 53,5 millions d’utilisateurs actifs sur les réseaux sociaux, et les français passent en moyenne 1h46 chaque jour sur ces derniers. L’émergence de ces réseaux de communication a conduit les enseignes à faire évoluer leurs stratégies publicitaires. Elles ont trouvé le moyen de s’adresser à une clientèle plus jeune, ce qui leur était impossible avec les canaux de communication ordinaires . Désormais les marques utilisent le « marketing d’influence » : elles font appel à un intermédiaire : le créateur de contenu aussi appelé « l’influenceur », il se sert de sa notoriété pour délivrer des messages commerciaux à sa communauté. Cette nouvelle profession est génératrice de revenus et peut être très lucrative. Dans la mesure où cette activité est source de revenus elle n’échappe pas à l’imposition. 

Le créateur de contenu peut exercer son activité sous la forme salariée ou de manière indépendante.

Quel est le statut juridique des créateurs de contenus ?

Au regard de la loi, il n’existe pas de statut spécifique ou de contrats types pour les créateurs de contenu. L’administration fiscale qualifie donc au cas par cas les relations juridiques liant les créateurs de contenus aux marques.

Il ressort notamment deux statuts et régimes juridiques: le créateur salarié et l’indépendant.

Le créateur de contenu salarié 

À la lumière de la définition retenue par la Cour de cassation, le contrat de travail s’entend comme une “convention par laquelle une personne physique, le salarié, s’engage à mettre son activité à la disposition d’une autre personne physique ou morale, l’employeur, sous la subordination de laquelle elle se place, moyennant une rémunération. ” 

Un régime particulier de contrat de travail paraît être applicable aux influenceurs, c’est celui du contrat de mannequinat défini à l’article L.7123-2 du Code du travail qui dispose : 

« Est considérée comme exerçant une activité de mannequin, même si cette activité n’est exercée qu’à titre occasionnel, toute personne qui est chargée :

1° Soit de présenter au public, directement ou indirectement par reproduction de son image sur tout support visuel ou audiovisuel, un produit, un service ou un message publicitaire ;

2° Soit de poser comme modèle, avec ou sans utilisation ultérieure de son image. »

Trois indices permettent au juge de déterminer le caractère salarié ou non de la prestation effectuée : 

–       Les contraintes de production;

–       La temporalité de l’accord;

–       Le ou les contreparties financières négociées.

 A titre d’exemple, dans la mesure où la prestation est caractérisée comme étant une prestation de mannequinat, la relation contractuelle est alors présumée comme étant un contrat de travail, peu importe la qualification retenue par les parties. 

De quel régime le créateur de contenu salarié peut-il bénéficier ?

De multiples options de rémunération s’offrent à l’influenceur. Outre l‘attribution de produits de la marque, le contrat peut prévoir une rémunération fixe et une rémunération variable en fonction du chiffre d’affaires généré. 

Les revenus du créateur salarié seront alors imposés dans la catégorie des traitements et salaires au titre de l’impôt sur le revenu. Il sera alors imposé selon le régime du barème progressif de l’impôt sur le revenu.

Ainsi, en vertu du contrat de travail des mannequins, la réalisation du contenu est considérée comme un salaire. Néanmoins, les revenus résultant de l’exploitation ultérieure,  dès lors que la présence du créateur n’est plus requise, sont considérés comme des BNC, par exemple l’intéressement aux ventes d’un produit dont il est l’égérie. (BOI-BNC-CHAMP-10-10-20-40 n°460 et 470)

Le créateur de contenus indépendant 

Il se peut que la relation contractuelle liant l’influenceur et la marque soit analysée comme une prestation de service, et non comme une relation de subordination découlant d’un contrat de travail. Dans ce cas l’influenceur n’est pas salarié puisqu’il ne se trouve pas sous la subordination juridique d’un employeur. Le créateur de contenu est un prestataire de service qui s’engage, à titre onéreux, à fournir une prestation de service pour le compte d’un client. 

L’influenceur peut opter pour l’exploitation individuelle de son activité sans création d’une société ou opter pour la création d’une société dont la personnalité juridique sera distincte de la sienne. Il peut créer par exemple une société par actions simplifiées unipersonnelle (SASU) ou l’entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL). Chacune de ses options offrant des avantages administratifs, sociaux et fiscaux différents. 

Compte tenu de la professionnalisation de cette activité on peut s’interroger sur la nécessité de créer une structure juridique dédiée, dotée de la personnalité morale ou non. 

  Exploitation individuelle sans création d’une personne morale.

Le créateur de contenu débutant, ou celui dont l’activité ne reste qu’accessoire peut opter pour la micro-entreprise. La structure est transparente fiscalement, l’influenceur doit reporter ses revenus sur sa déclaration de revenus et il est imposé au barème progressif de l’impôt sur le revenu (IR). Ses revenus relèvent de la catégorie des bénéfices non commerciaux (BNC). 

Le régime micro-BNC s’applique aux micro-entreprises de créateurs de contenus dont le chiffre d’affaires hors taxe ne dépasse pas 72 600€ au cours de l’année civile.  Le contribuable bénéficie d’un abattement de 34% sur les recettes déclarées à l’administration fiscale avec une déduction minimale de 305€. Cependant ce régime fiscal n’a pas que des avantages, en effet, le contribuable n’a pas la faculté de déduire les charges effectivement engagées pour l’exploitation de son activité. De plus, le taux d’abattement de 34% est assez faible . Enfin, le seuil de 72 600€ hors taxe peut facilement être atteint. 

Ainsi dans le cas où le créateur de contenu voit ses recettes dépasser le seuil de 72 600€, il bascule dans le régime de la déclaration contrôlée. Ce régime permet la déductibilité des charges engendrées par l’activité à condition qu’elles soient nécessaires à celle-ci (critère de déductibilité des charges identiques en matière de traitements et salaires) . Tandis que pour être déductibles du résultat imposable d’une entreprise, les charges doivent être engagées dans l’intérêt de la société. Le critère de déductibilité des charges est donc plus favorable pour le contribuable lorsqu’il crée une société. 

  Exploitation et création d’une société.

L’influenceur peut faire le choix de créer une société unipersonnelle et choisir d’être imposé à l’impôt sur les sociétés. Le taux normal de l’impôt sur les sociétés est de 25%. Les petites et moyennes entreprises (PME) dont le chiffre d’affaires hors taxe est inférieur à 10 millions d’euros et dont le capital est entièrement reversé et détenu à au moins 75 % par des personnes physiques bénéficient d’un taux réduit de 15% sur la part des bénéfices allant jusqu’à 42 500€ et 25% au-delà. 

La création d’une société à de nombreuses incidences fiscales, dont  : 

      La déductibilité des charges de l’activité : L’activité de créateur de contenu engage des frais : équipements, téléphone, déplacements, hôtels, etc. Même si ces frais ne sont pas aussi lourds que les frais engendrés pour l’exercice d’une activité industrielle, il ne fait nul doute que la possibilité de les déduire permet une économie.  La création d’une société va permettre la déductibilité des charges souscrites dans l’intérêt de la société. Sous réserve que la dépense ne soit pas qualifiée de dépense somptuaire ou d’acte anormal de gestion.

      Le pilotage des revenus : le créateur de contenu aura la possibilité d’obtenir des revenus soit sous la forme de dividendes soit sous la forme de rémunération de dirigeant de société. Concernant la rémunération des dirigeants de société, le régime renvoie au régime fiscal des traitements et salaires exposé ci-dessus. Quant aux dividendes, lorsqu’ils sont perçus par le créateur de contenus ils pourront soit être imposés au prélèvement forfaitaire unique (PFU) dont le taux global est de 30% (incluant 12,8 % au titre de l’impôt sur le revenu et 17,2 % au titre des prélèvements sociaux), ou au barème progressif de l’IR : le contribuable est redevable de 17,2% de la somme au titre des prélèvements sociaux et redevable d’une somme en fonction de son taux marginal d’imposition. Étant précisé qu‘en optant pour l’imposition au barème progressif de de l’IR, un abattement de 40% est pratiqué sur le montant des dividendes.

Le choix de la forme de la société aura également des incidences sur la fiscalité, sur la gestion et sur la protection sociale de l’influenceur. À titre d’exemple :

      La SASU : elle permet une gestion simplifiée de la société, le dirigeant est dispensé d’établir un rapport de gestion (sous certaines conditions), et est dispensé d’approbation des comptes sociaux… Néanmoins, le créateur de contenu a le statut de dirigeant salarié, il est donc affilié au régime social des salariés. Ce régime permet de disposer d’une meilleure protection sociale (exclusion faite de l’assurance chômage) mais les cotisations sociales sont plus onéreuses (environ 60% de la rémunération nette du dirigeant). 

–       L’EURL : la grande différence avec la SAS est le statut du dirigeant. Ici, le gérant est affilié au régime social des travailleurs indépendants. Les cotisations sociales sont calculées sur la rémunération versée, le taux se trouve aux alentours de 40%. Bien plus faible que dans une SASU. 

Hugo RIOULT

26 réactions sur “ L’imposition des revenus des créateurs de contenus ”

  1. Martin S Réponse

    Bonjour,
    À la suite de cet article, je me suis posé la question de la nécessité de la plateforme de vérifier si le créateur de contenu (influenceur) possède un cadre juridique ou si ce n’est pas de leur devoir de le vérifier.
    Merci d’avance pour la réponse.

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